VG2020 : Roura – Le Diraison, 93 jours et à touche-touche
Encore une incongruité dans ce Vendée Globe qui défie décidément la raison ! Après 93 jours de mer, Stéphane Le Diraison (Time for Oceans, 17e) et Alan Roura (La Fabrique, 18e) sont bord à bord, à moins de 600 milles de l’arrivée. Les deux hommes, qui ont l’habitude de batailler ensemble, ne lâchent rien à l’image des neuf autres skippers encore en course, dont les premiers – Arnaud Boissières (La Mie Câline – Artisans Artipôle, 15e) et Kojiro Shiraishi (DMG Mori Global One, 16e) – sont attendus dans le froid glacial de la nuit de mercredi à jeudi.
Le Diraison – Roura, « ne me quitte pas »
Ils ont eu plus de 1000 milles d’écart et sont désormais à touche-touche. « On se voit, on va être bord à bord bientôt et on pourra même boire un café ensemble », s’amuse Alan Roura. Sur la cartographie, La Fabrique et Time for Oceans sont si proches que les deux skippers naviguent à vue. On a même entendu l’alarme se déclencher à bord du bateau de Stéphane Le Diraison ! Ce dernier explique : « on est côte à côte, c’est assez singulier ! C’était déjà le cas dans l’océan Indien il y a deux mois. On a eu des conditions différentes, des problèmes dans la remontée et là, on se retrouve dans le même système ».
Alan Roura ajoute : « on est très proches du coup la nuit c’est sport, on est obligés de rester très éveillés et d’être plus attentifs. C’est une belle bagarre ! Mais il faut la jouer intelligemment jusqu’au bout pour ne pas endommager nos bateaux ». Si les deux hommes gardent un écart aussi faible, ils pourraient rééditer l’exploit de la dernière Route du Rhum : à leur arrivée à la 7e (Alan Roura) et 8e place (Stéphane Le Diraison), ils n’étaient séparés que de 4 minutes et 43 secondes !
Le point sur la course : des ETA décalées
Contrairement aux prévisions de ces derniers jours, aucun skipper n’arrivera aux Sables d’Olonne avant jeudi. Christian Dumard, le météorologue du Vendée Globe, explique : « les ETA ont glissé. Le vent est assez variable, il y a un peu d’inertie sur les changements de voile et la dépression se décale un peu plus vite dans le sud ». Les quatre premiers – Arnaud Boissières (15e), Kojiro Shiraishi (16e), Stéphane Le Diraison (17e), Alan Roura (18e) – devraient ainsi arriver au près. Les skippers de La Mie Câline-Artisans Artipôle et de DMG MORI Global One sont attendus jeudi au petit matin, dans la nuit la plus froide de la semaine. « Il y aura un vent très froid, 15 nœuds de vent et jusqu’à – 8°C en ressenti entre 1h et 6h du matin », précise Christian Dumard.
Manuel Cousin rassure et repart !
Quatre jours après la rupture de sa tige de vérin de quille, le skipper de Groupe SÉTIN s’est employé pour réparer. Il a mis le cap vers l’anticyclone afin d’avoir des conditions plus clémentes pour naviguer. « J’ai dû travailler 48 heures non-stop pour arriver à réparer et retrouver un système permettant à la quille d’être maintenue et fixée en position centrale », a expliqué Manuel Cousin. Le marin explique avoir terminé ses travaux « hier à minuit ». « Il n’avançait qu’à 2 à 3 nœuds ce matin parce qu’il était dans l’anticyclone, mais il va retrouver du vent », précise Christian Dumard. « Je reprends ma route en direction des Sables d’Olonne ! » apprécie Manuel Cousin. Miranda Merron a tenu à le féliciter : « il a travaillé comme un dingue. Je lui dis chapeau ! »
Le reste de la flotte continue sa progression
Didac Costa (One Planet One Ocean, 20e), qui est passé à l’ouest des Açores, devrait bénéficier du prochain front pour arriver au portant ce week-end. À 700 milles plus au Sud, Clément Giraud mène un trio avec Miranda Merron et Manuel Cousin. « J’ai perdu du terrain à cause du pot-au-noir mais on en a enfin fini avec les alizés de Nord-Est qui étaient très instables et particulièrement usants », souligne la navigatrice de Campagne de France. Plus loin, la traversée du Pot-au-Noir devrait être moins problématique pour Alexia Barrier (TSE-4myplanet, 24e) et Ari Huusela (STARK, 25e). Sam Davies (Initiatives Cœur, hors course) est également sortie du pot-au-noir alors qu’Isabelle Joschke (MACSF, hors course) tente de s’en extraire.
Déjà des départs sur les pontons des Sables d’Olonne
C’est une page qui se tourne et une pointe de nostalgie affleure. Certains des bateaux déjà arrivés ont quitté le ponton de Port Olona. Hier après-midi, c’est LinkedOut qui a mis le cap sur Lorient avant d’être imité quelques heures plus tard par SeaExplorer-Yacht Club de Monaco. Dans la journée, l’équipe de Groupe APICIL s’apprêtait aussi à effectuer son convoyage. Le départ d’APIVIA est également prévu ce mercredi. À noter par ailleurs que Newrest-Arts & Fenêtres, le bateau de Fabrice Amedeo a été sorti de l’eau et mis en chantier. « Le bateau va être repeint, explique-t-il. C’est important de repartir avec de nouvelles couleurs pour démarrer ce nouveau cycle qui va nous conduire jusqu’en 2024 ».
Ils ont dit
Arnaud Boissières (La Mie Câline – Artisans Artipôle)
Je suis à moins de 700 milles de Port Olona. Il fait gris, il pleut. Le front arrive. J’ai créé un décalage avec Alan (Roura) et Stéphane (Le Diraison), mais rien n’est joué dans ces conditions musclées. Je surveille aussi Kojiro (Shiraishi) qui accélère un peu trop à mon goût ! Je suis reposé, mais je suis fatigué, comme mon bateau. J’ai appris pour le problème de quille de Manuel (Cousin). Il est plein de ressources, Manuel, et j’espère de tout cœur qu’il va s’en sortir. Et puis ça fait super plaisir de voir la carte de ton pays qui apparaît sur l’écran.
Stéphane Le Diraison (Time for Oceans)
On est côte à côte avec Alan (Roura), c’est assez singulier ! On a eu des conditions différentes, différents soucis sur la remontée, et là on se retrouve dans le même système. On a les mêmes bateaux, on reçoit les mêmes fichiers météo et on a à peu près le même niveau de fatigue, alors nos décisions convergent. Avoir un bateau à côté est une motivation supplémentaire, un repère. On discute beaucoup. Sur la route du Rhum, l’écart était très mince entre nous deux à l’arrivée. C’est récurrent avec Alan !
Alan Roura (La Fabrique)
Je suis toujours parti du principe que chaque Vendée Globe est différent : les conditions, l’état d’esprit… Pour moi, celui-là est à l’opposé du premier. Pour le marin, c’est un test assez dur, que ce soit mental ou physique. Dans l’ensemble, c’est rude du début à la fin. Les deux derniers jours de mer vont être encore bien difficiles, ça aura été vraiment poussif. C’est un test pour les nerfs, pour la patience. J’aurais bien aimé finir la course tranquillement à mon rythme avec Stéphane (Le Diraison) un peu derrière. J’aimerais bien arriver devant lui, c’est un peu l’objectif, mais il ne faut pas trop se prendre au jeu.
Pip Hare (Medallia)
Il y a actuellement de multiples changements de vent. Les vagues viennent de toutes les directions. Une vague a frappé Medallia, s’écrasant sur le haut du cockpit : l’eau est descendue jusqu’à l’endroit où je suis assise, alors que nous surfions sur une vague par derrière. Il est impossible de se tenir debout ou de se déplacer sans s’accrocher à quelque chose. Le chemin vers l’arrivée n’est ni facile ni évident et semble changer chaque jour. Les conditions sont très instables. Avec ces changements constants, il est impossible de respecter les vitesses que mes options de routage suggèrent. Il serait facile de se démoraliser avec tout cela. C’est certainement le pire moment de toute la course. Ces conditions ne sont pas amusantes, mais elles font partie de la course et je n’ai pas parcouru 97% du tour du monde pour me décourager maintenant.
Miranda Merron (Campagne de France)
Les conditions sont sublimes. Il n’y a pas beaucoup de vent, il fait beau, la nuit était magnifique avec plein d’étoiles. J’ai 9 nœuds de vent, la mer est assez plate, ça change. J’en profite ! Je vais très bien, je suis super contente d’avoir presque terminé avec les alizés de nord-est, c’était très instable, c’était usant mentalement et aussi physiquement pour le bateau. Je touche du bois pour ne pas avoir de nouvelles avaries d’ici l’arrivée. Je sais que Manuel (Cousin) a travaillé comme un dingue. Vraiment, je lui dis chapeau !
CLASSEMENT à 15h00 Heure Française
(…)
- Arnaud Boissières, La Mie Câline – Artisans Artipôle, à 402,62 milles de l’arrivée
- Kojiro Shiraishi, DMG MORI Global One, à 25,63 milles du 15e
- Stéphane Le Diraison, Time for Oceans, à 132,63 milles du 15e
- Alan Roura, La Fabrique, à 136,8 milles du 15e
- Pip Hare, Medallia, à 195,97 milles du 15e
Crédit Photo : C.Breschi
Tags sur NauticNews : Vendée Globe, VG2020
– CP –
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