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VG2020 : Dalin-Burton le match

Sur cette remontée vers l’équateur, au grand large de l’état de Bahia au Brésil, les marins ont du grain, ou plutôt des grains, à moudre. Le vent varie brutalement en force et en direction, il faut être aux aguets, une main sur les écoutes, un œil à observer le ciel, un autre sur le radar. Au classement de 15h, Charlie Dalin, en tête, devance de 20 milles Louis Burton. Yannick Bestaven se voit relégué en 6e position derrière Thomas Ruyant, 3e, Damien Seguin, 4e et Boris Herrmann 5e. Tout ce petit monde se tient en moins de 100 milles : fou, fou, fou ce 9e Vendée Globe !

Deuxième derrière Charlie Dalin le 4 décembre dernier dans l’océan Indien avant de subir moult avaries, Louis Burton retrouve sa place aux avant-postes, lui qui était passé à un cheveu de la correctionnelle durant l’épisode de Macquarie. Le Malouin exulte et s’enthousiasme de la bagarre en tête de flotte et on le comprend ! Charlie Dalin affiche le même état d’esprit : « Le Vendée Globe aurait très bien pu se terminer en Australie ou en Nouvelle-Zélande, là je suis encore en course, j’ai retrouvé la tête, donc c’est vraiment super » confiait ce matin le skipper d’Apivia dont le foil bâbord ne lui permet pas d’être en totale efficacité, mais affiche tout de même une vitesse moyenne de plus de 16 nœuds depuis 4h. Le plus rapide de ce groupe compact est l’Allemand Boris Herrmann avec près de 17 nœuds de moyenne qui revient dans le top 5 comme une balle… Jusqu’à Recife, il va falloir composer avec les lignes de grains dont le vent se montre puissant en bordure et nul sous les nuages. Les radars performants embarqués pour la première fois sur ce 9e Vendée Globe vont être de précieux alliés. Yannick Bestaven, lui, doit grimacer, son décalage dans l’Ouest lui a tout fait perdre : 6,3 nœuds de vitesse moyenne ces 4 dernières heures ! Le voilà relégué à 96 milles de la tête de flotte.

Sur le même bord en tribord amures

Le groupe de tête a donc fort à faire entre la gestion immédiate des éléments et la trajectoire à envisager pour la suite sitôt la corne du Brésil débordée. Cette course de vitesse se déroule exclusivement en tribord amures, le vent forcissant progressivement et adonnant au fur et à mesure de la remontée vers le Nord. Pas de manœuvres de forçat au programme, pas de grand changement de voiles, mais plutôt des réglages fins, de quelques centimètres et beaucoup de temps à la table à cartes. Car l’Atlantique Nord se profile dans un horizon proche et avec lui un Pot au Noir (peu actif), un anticyclone dans le sud des Açores puis une grosse dépression. Jamais les Sables d’Olonne n’ont paru aussi proches, jamais non plus la moindre erreur ne s’est payée aussi cash. Dans 12-13 jours, qui va gagner aux Sables d’Olonne ? Les paris sont lancés.

Les copains d’abord en arrière de la flotte

Il y a la bagarre devant à couteaux tirés, et la course derrière dans une ambiance plutôt bon enfant. Les groupes et les duels formés depuis la fin du Pacifique Sud ont créé des liens forts. Alors, ça discute à la VHF, ça communique par Whatsapp. Clarisse Crémer et Armel Tripon par exemple : « C’est cool d’avoir un compagnon de pétole. On papote, il m’a dit qu’il n’avait pas beaucoup de nourriture, j’hésite à le ravitailler. En échange, il m’a glissé des conseils pour recalibrer mon aérien qui me pose des soucis. Dans les alizés, il va faire parler la poudre : son engin volant va envoyer du bois, tant mieux pour lui ! » racontait la skipper de Banque Populaire X, première femme au classement en 13e position. Jérémie Beyou, 15e, échange beaucoup avec ses camarades de jeu, Arnaud Boissières et Alan Roura, et voit la course d’une autre manière : « À mesure que je remonte la flotte, j’échange avec tous les gars et filles, et ils ont tous énormément de mérite.

C’est sympa de discuter avec eux, de découvrir leurs problématiques et tu te rends compte aussi que c’est plus simple de discuter avec les gens un peu plus derrière plutôt qu’avec les leaders qui ont parfois du mal à répondre. Ce n’est pas une critique, c’est juste que quand tu es devant, et je le sais, tu laisses peu d’informations sortir par rapport à la concurrence. Je découvre autre chose et honnêtement ce n’est pas pire du tout ! Quand je referai une régate et que je serai devant, j’y penserai. » Miranda Merron et Clément Giraud, rapides ces dernières 24h, se sentent eux aussi moins isolés à 1 000 milles du Cap Horn. Ils sont devenus compagnons de route….

Ils ont dit

Yannick Bestaven, Maître CoQ IV

Je regarde les routages, qui m’emmènent aux Sables d’Olonne en 13-14 jours. Voilà pour la réflexion sur le long terme. La stratégie, c’est de voir comment négocier Recife, avec ses zones complexes : il faudra ne pas rester collé à la côte, avec les contre-courants, les zones de vent et les lignes de grains. Là, on peut beaucoup y perdre. Moralement, c’est dur, j’ai l’impression de ne pas avoir été verni : j’ai été arrêté en premier, et forcément le plus longtemps. Puis je n’ai pas pu gagner suffisamment dans l’Est pour contrôler mes poursuivants, et ça a été bien plus facile pour eux de se décaler avec du vent soutenu. Nous n’avons pas eu les mêmes conditions météo ni le même timing dans le front froid. Mieux valait venir de l’arrière ! Il va y avoir un autre passage à niveau, plus tard. Le Pot au Noir sera passé assez vite, mais il y a une autre petite barrière qui nous attend dans l’Atlantique Nord. J’ai les Sables-d’Olonne au bout de l’étrave, on verra ce qu’il y aura au bout ! La dernière partie de course va être intéressante : on est plusieurs à pouvoir gagner, et c’est du jamais vu sur le Vendée Globe.

Benjamin Dutreux, OMIA – Water Family

Ce n’est pas évident du tout, c’est assez complexe même. Ça fait encore une nuit que je ne dors pas, je commence vraiment à être crevé. J’ai du mal à me reposer, car des grains passent. J’ai eu 37 nœuds cette nuit. J’ai cru que j’allais déchirer toutes mes voiles. Et juste derrière, j’ai eu 1h30 de pétole avec vraiment 0 nœud de vent. C’est assez dingue. C’est une espèce de Pot au Noir du Sud. Je ne m’attendais pas à ça, je ne m’y étais pas vraiment préparé. Bizarrement, j’ai plus de mal à capter l’image au radar que dans le Pot au Noir. Sinon, j’essaye d’observer, mais ce n’est pas facile de faire grand-chose donc souvent on subit. À l’avant du nuage, le vent refuse en grand, c’est super fort et juste après, c’est de la molle donc il faut être très présent sur les écoutes pour ne pas abîmer le bateau pendant les grains et après aussi pour faire repartir le bateau dans du vent très mou.

Manu Cousin, Groupe SÉTIN

Ça commence à sentir le Cap Horn ! Je suis en train de faire une petite sieste en prévision de la fiesta qui va y avoir à bord. Ces deux derniers jours, je n’ai pas dormi : le vent était très instable à l’arrière de la dépression. Il variait de 15 à 30 nœuds en force : il fallait régler tout le temps, c’était compliqué de se reposer. Maintenant que c’est plus stable, je peux dormir un peu. Je ne te cache pas qu’après un petit tour du bateau, c’est ce que je vais faire. J’ai fait plusieurs fois les routages pour voir si j’allais pouvoir faire un détour pour aller voir le caillou, mais il est loin : j’y perdrais 20 heures. Le but est quand même d’aller vite. J’aurais accepté de perdre une heure ou deux, mais là, c’est trop. Ce sera une bonne raison d’y revenir ! Je suis réfugié aux Sables, mais je n’oublie pas mes racines normandes. Mes amis m’aident pour ça : je vais fêter ça avec une petite goutte de calvados.

Charlie Dalin, Apivia

Je suis content de retrouver cette position. Il y a du monde pas loin derrière, mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. On ne peut pas revenir sur Yannick et avoir les autres bateaux bloqués derrière. C’est normal que les autres soient revenus aussi donc à moi de gérer cela. Je suis d’autant plus content de retrouver la tête de la flotte après le problème que j’ai eu sur ma cale de foil il y a un mois dans l’océan Indien. Donc même si ce n’est pas mon bord favorable, je me bats, je manœuvre, je fais de la météo et je vais tout faire pour garder cette place. Je ne peux donc plus déployer mon foil, mais quand je gîte, il rentre un petit peu dans l’eau donc à partir d’un certain angle de gîte il me sert un petit peu quand même. Forcément, c’est beaucoup moins efficace que s’il était entièrement déployé. Les vitesses qu’Apivia pourrait faire avec un foil déployé seraient d’une toute autre dimension que ce que je peux faire aujourd’hui. Mais tout ça, c’est que du bonus depuis mon avarie.

CLASSEMENT à 15h00 Heure Française

  1. Charlie Dalin, Apivia, à 4 069.54 milles de l’arrivée
  2. Louis Burton, Bureau Vallée 2, à 20.39 milles du leader
  3. Thomas Ruyant, LinkedOut, à 55.02 milles du leader
  4. Damien Seguin, Groupe APICIL, à 67.88 milles du leader
  5. Boris Herrmann, SeaExplorer – Yacht Club de Monaco, à 88.94 milles du leader

Crédit Photo : V.Curutchet

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– CP –

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