VG2020 : Y.Bestaven en phase avec la dépression
Le retour aux avant-postes de Charlie Dalin n’aura duré que le temps d’un instant ! Yannick Bestaven était bien en phase avec l’arrivée d’une dépression en formation qu’il est allé chercher loin dans le Nord, pour « redescendre » avec elle jusqu’à la Zone d’Exclusion Antarctique (ZEA), voire plus. Thomas Ruyant est relégué à plus de 300 milles et le peloton des chasseurs patine encore devant la bulle anticyclonique qui s’est étirée comme un scoubidou… Maître CoQ IV s’envole !
Il n’y aura eu finalement que deux classements ce samedi matin en faveur de Charlie Dalin (Apivia), nettement plus méridional que le véritable leader. Car à force d’aller chercher la brise favorable loin vers le septentrion, Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) a dû laisser le leadership à son plus tenace chasseur. Mais voilà : une fois le centre dépressionnaire frôlé, il ne restait plus qu’à glisser vers le Sud-Est dans un vent encore soutenu (25-30 nœuds) et une mer fort agitée pour retrouver le bord rapprochant du Cap Horn.
Et le « dauphin » eut beau recadrer lui-aussi dans ce flux de Nord-Est, il était tout de même à 90 milles de la trace du leader avec, en sus, une barrière devant l’étrave, la ZEA. Le foiler jaune va donc devoir contre-border au petit matin (heure française) dimanche et ainsi perdre encore de sa superbe, soit une petite centaine de milles si le Rochelais passe à la bordée ce « mur des glaces ». Réponse dès dimanche matin, mais il suffit d’une légère rotation de la brise au Nord-Est pour que la voie s’ouvre à lui…
C’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses…
Et d’ici là, si bien des choses peuvent changer, les positions semblent être figées : Thomas Ruyant (LinkedOut) était samedi après-midi en passe de contourner le centre dépressionnaire et pourrait revenir très fort si ce n’est qu’une bulle se forme sur sa route. Quant au peloton des chasseurs emmené cette fois par Jean Le Cam (Yes We Cam!), il n’arrive pas à transpercer la baudruche anticyclonique et quand celle-ci va enfin se décaler vers le Sud, ce sera du vent contraire pour longer la ZEA… N’est-ce pas pour cette raison que Benjamin Dutreux (OMIA-Water Family) a choisi de s’extirper du groupe pour un bord à 90° de la route, plein Nord ?
L’option est courageuse, surtout quand personne n’ose suivre, mais elle devrait porter ses fruits dès dimanche midi quand le flux va devenir portatif pour lui. Alors pourquoi les sept autres concurrents n’ont pas choisi cette voie ? Pour Louis Burton (Bureau Vallée 2), l’objectif était avant tout de recoller les morceaux : quand il y a une semaine, le Malouin repartait de l’île Macquarie où il avait pu redonner de l’éclat à son monocoque abîmé par l’Indien, il concédait 500 milles. Et il n’en a plus qu’une centaine sur le meneur de jeu des poursuivants ! Or pour Jean Le Cam, Boris Herrmann (SeaExplorer-Yacht Club de Monaco), Damien Seguin (Groupe APICIL), Isabelle Joschke (MACSF), Maxime Sorel (V and B-Mayenne) et Giancarlo Pedote (Prysmian Group), le chemin le plus court est parfois le meilleur.
It’s a long way to…
Il va donc falloir patienter jusqu’à la fin du week-end pour se faire une idée plus précise de qui fait quoi et où chacun se positionne. Car à l’issue de ce coup d’accélérateur en tête, il est fort probable qu’il y ait un ralentissement qui redistribuerait une nouvelle fois les cartes avec un regroupement général avant d’aborder l’entonnoir du Cap Horn. D’ailleurs tout laisse à penser que le « scow » d’Armel Tripon (L’Occitane en Provence) va encore bénéficier de conditions idéales pour voler sur ses foils : d’ici qu’il raccroche Clarisse Crémer (Banque Populaire X), puis les chasseurs, il n’y a qu’un pas… de géant certes, mais 3 500 milles avant le détroit de Drake, tout semble envisageable !
Ce sont Arnaud Boissières (La Mie Câline-Artisans Artipôle) et Pip Hare (Medallia) qui semblent les plus en ballottage : une violente dépression venue d’Australie va les coiffer la nuit prochaine (heure française) avant de s’évacuer vers l’Antarctique, mais en laissant traîner un front très actif entre le continent océanien et la Nouvelle-Zélande ! C’est la raison pour laquelle le trio Beyou-Le Diraison-Costa a tiré tout droit sur le 45° Sud depuis le plateau AMSA australien et que Manuel Cousin (Groupe Sétin) s’est encore plus décalé au Nord.
Et pour les suivants, la situation météorologique est plutôt favorable avec un flux d’Ouest quasi généralisé dans l’océan Indien. Au final, ça n’avance pas très vite en tête, ça redémarre ensuite, ça bastonne au milieu et ça déroule en queue… Le tour du monde quoi !
Alan Roura, avarie de quille
Alan Roura a informé son équipe ce samedi 26 décembre au matin qu’il était de nouveau victime d’une fuite d’huile au niveau d’un des deux vérins hydrauliques de son voilier. C’est à la suite d’un empannage dans 30 noeuds de vent que l’un des tuyaux du système hydraulique aurait lâché, en fin de quillage, l’appendice retombant alors brutalement sous le vent. C’est la deuxième fois que le navigateur suisse se retrouve confronté à ce genre de problème, après une première fuite et le changement dudit tuyau le 28 novembre dernier. Alan a d’ores et déjà stabilisé la situation en parvenant à bloquer la quille dans son axe, altérant ainsi lourdement les performances de son bateau, mais assurant sa sécurité à bord. En concertation étroite avec son équipe technique afin d’identifier les éventuels dommages collatéraux et les causes de cette nouvelle casse, le Genevois de 27 ans aura à déterminer la possibilité, ou non, de remédier à cette avarie et de poursuivre sa course.
Ils ont dit
Charlie Dalin, Apivia
Après quelques jours à profiter d’une mer lisse et à faire du portant VMG, là c’est du près VMG sur une mer un peu hachée… Je me réhabitue au bateau qui tape. Je fais de nouveau route vers la ZEA que je devrais atteindre dans 24h environ. Je fais avancer le bateau au mieux, le vent est assez instable en force et en direction, mais c’est un peu la norme dans le Sud depuis quelques temps. Je m’y habitue. J’avais l’option de laisser passer l’anticyclone ou de faire la route Nord. Le jour où j’ai pris la décision d’empanner pour redescendre vers la zone des glaces, il y avait encore une maigre chance de pouvoir s’échapper, et si ça ne passait pas, je ne perdais qu’une trentaine de milles. C’était la solution logique, celle de l’espoir plutôt que celle de la résignation. Je me rendais compte qu’il y avait systématiquement plus de vent que sur les fichiers, je savais que ça allait s’appliquer pour mon option. Ça m’a permis de progresser assez vite en avant de cette bulle anticyclonique. Forcément c‘était un peu stressant, dès que le vent mollissait, j’imaginais la bulle revenir. Mais j’ai eu des moments avec du vent assez fort, ça m’a permis de bien progresser.
Apivia est un bateau polyvalent capable d’avancer dans toutes les conditions. C’est un bateau assez « facile » dans les petits airs. Il a l’accélération facile. Mais j’étais sur mon mauvais bord, je ne pouvais pas m’appuyer sur mon foil. L’histoire aurait été différente si ça n’avait pas été ce foil-là. Peu importe ce que faisait Yannick (Bestaven) ou les autres, je faisais la course avec le système météo. Maintenant Yannick a un décalage intéressant pour passer la ZEA que je n’ai pas. En termes de positionnement il a un petit avantage mais il a une direction de vent un peu plus défavorable. Au final, il va mieux s’en sortir.
Isabelle Joschke, MACSF
Le décalage horaire est tellement rapide de jour en jour que rien n’est vraiment calé sur rien en ce moment ! Je suis assez déphasée. Comme j’ai froid, je n’attends pas d’avoir faim pour manger. Et c’est vraiment selon l’inspiration parce qu’il n’y a pas vraiment de notion de petit déjeuner ou de dîner. Je fais au feeling et j’essaye de faire faire une petite pause à mon estomac la nuit. Il n’y a pas de risque de grossir, vu comme j’ai froid : je pense que je perds plutôt des calories ! Et puis il y a de l’action sur le bateau, même dans de petits airs, il y a des manœuvres, il y a toujours de quoi se dépenser.
Je suis toujours à l’arrière de ce foutu anticyclone qui commence à être agaçant. Plus je me rapproche du centre, plus les vents sont irréguliers. Là, dans l’instant, je n’ai même pas 6 nœuds. Ça monte d’un coup, il faut être très réactif pour bondir sur le pont. Ce n’est pas propice au repos et, comme les nuits sont courtes, c’est bien de pouvoir dormir un peu quand il fait nuit. Ça m’a un peu tapé sur les nerfs, en plus on ne va vraiment pas vite !
Maxime Sorel, V and B – Mayenne
Je suis sur le pont, le vent, c’est n’importe quoi depuis 24h, ça oscille de 60° entre 4 et 12 nœuds. J’ai le J0 en l’air et j’alterne entre J0 et J2. En fin de journée j’en avais un peu marre d’alterner parce que tu perds du temps. J’avais choisi une voile et je laissais faire… Parfois c’était la bonne, parfois j’étais sur les portières, parfois je manquais de toile. Je n’ai plus qu’un hydrogénérateur, je n’ai pas réussi à réparer le deuxième. J’ai soigné la plupart des petites blessures du bateau, j’ai encore un petit truc à regarder sur le moteur. Et puis il y a mes voiles. Je dois faire gaffe aux J2 et J3 que j’ai réparés. Je n’arrive pas à me caler avec le soleil, ça bouge trop, c’est l’enfer. Je suis toujours en TU, avec vous, avec la communication, avec les fichiers météo. Je trouvais ça bizarre au début mais là on va se rapprocher de vos heures. Je ne regarde jamais l’heure locale en fait. J’ai une glacière avec neuf bouteilles d’exception, sous scellés, qui font le tour du monde avec moi. Les bouteilles seront vendues aux enchères, au profit de l’association « Vaincre la Mucoviscidose » à l’arrivée. Ce sont des bonnes bouteilles, de cognac, de rhum, de whisky… Je me trimballe 25 kilos de boisson que je ne peux pas toucher. De toute façon, je ne suis pas trop alcool en mer. Je n’ai jamais vu autant de variations de vent. Ma trace, c’est une chaîne de montagne. J’ai entre 4 et 11 nœuds de vent maximum. Je suis un peu plus Sud que le groupe de devant donc forcément comme la distance est plus courte, niveau classement, ça aide. Mais il va falloir qu’on fasse du Nord. Dès qu’on va tous faire du Nord, je vais me recaler derrière. Si j’arrive à coller à moins de 5 milles d’eux je serai dans le même système. Ils devraient repartir avant moi. (7e), c’est déjà très bien, je suis content, mais on verra dans trois jours où on en sera. On sera au Sud de la dépression qui va apparaître au Nord, on sera dans du vent, au portant, enfin ! Faire autant de près dans le Pacifique, c’est quand même assez hallucinant. La météo n’est pas simple, on risque d’avoir du vent assez fort qui va nous emmener assez rapidement sur le Cap Horn. Le dernier routage fait arriver le 4 janvier au Cap Horn.
Manuel Cousin, Groupe Sétin
Ça secoue un peu ! Il y a un gros front qui nous passe dessus. Hier, c’était sympa : on a passé un Noël tranquille. Depuis hier soir, c’est changement de décor : la route est cabossée. Je suis à 90° du vent, je vais pouvoir abattre un peu, ça va taper un peu moins. Et après le front, la mer sera croisée : il faudra faire attention. Je ne connaissais ni l’Indien ni le Pacifique, je découvre, c’est génial. Déjà le Cap Leeuwin, c’était une belle fête ! Le Pacifique, c’est une nouvelle page, c’est un vrai bonheur. Même si ce n’est pas toujours facile, comme aujourd’hui, on est venu pour ça aussi !
CLASSEMENT à 15h00 Heure Française
1. Yannick Bestaven, Maître CoQ IV, à 9 532.83 milles de l’arrivée |
2. Charlie Dalin, Apivia, à 28.92 milles du leader |
3. Jean Le Cam, Yes We Cam!, à 267.98 milles du leader |
4. Boris Herrmann, SeaExplorer – Yacht Club de Monaco à 269.26 milles du leader |
5. Damien Seguin, Groupe APICIL, à 290.18 milles du leader |
Crédit Photo : C.Breschi
Tags sur NauticNews : Vendée Globe, VG2020
– CP –
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