VG2020 : une trêve? pour quoi faire?
Pas de trêve, non, en cette veille de Noël. En tête de la course, la bataille fait rage entre Yannick Bestaven (Maître CoQ IV), leader de la voie du Nord, contesté par le révolutionnaire de la Zone des glaces, Charlie Dalin (Apivia). Les deux hommes sont moins séparés par les milles que par le dessin des trajectoires dans lesquelles ils se sont aventurés.
Plutôt tiret ou accent circonflexe ?
On pourrait ainsi résumer le match stratégique qui oppose Yannick Bestaven, adepte du chapeau pointu, à Charlie Dalin, qui tire à la ligne le long de la Zone d’Exclusion Antarctique. Si chacun a réagi aux circonstances qui lui étaient proposées – l’Est de l’anticyclone pour le skipper de Maître CoQ, le Sud pour le navigateur d’Apivia –, les deux premiers à passer sous la barre symbolique de la barre des 10 000 milles à parcourir ont aussi le choix.
Le routage optimal fait passer Yannick Bestaven à travers la dépression qui se propose dans son Nord-Est, avec une entrée au près dans 20 à 25 nœuds de vent, et une descente, depuis le haut de la dépression, au reaching. La route sera rapide, mais longue.
A l’opposé, Charlie Dalin a choisi d’aller tricoter le long de la ZEA. « Ma décision est assumée et confortée par mon positionnement initial au Sud. Aller vers le Nord, c’était dessiner un »énorme accent circonflexe » dans le Pacifique et ma route Sud avait plus de chance de trouver une issue favorable selon moi. À l’époque de ma réflexion, ça me coûtait que 30 milles d’essayer et de rebrousser chemin si jamais ça ne passait pas. Mais j’ai décidé d’oser, de tenter et d’y croire. Chaque mille gagné vers l’Est est une victoire, mais il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. » (source Apivia).
Entré un poil tardivement à la table des négociations avec l’anticyclone, Thomas Ruyant subit un peu la séquence. Le skipper de LinkedOut fait du Nord depuis ce matin pour préparer le coup d’après, et dévaler vers le Sud-Est avec le meilleur angle possible et sur le bon bord (bâbord amures) dès la nuit prochaine vraisemblablement.
Pour les « chasseurs », Boris Herrmann, Jean le Cam, Benjamin Dutreux, Damien Seguin, Isabelle Joschke et Giancarlo Pedote, deux options sont ouvertes, selon les prochaines évolutions des fichiers, mais aussi des performances de chacun des bateaux. Vers l’Est en route directe ? Par le Nord ?
Les performeurs
Servis par des conditions météo propices à la vitesse, Maxime Sorel (V and B – Mayenne) et Louis Burton (Bureau Vallée 2) profitent également du ralentissement du groupe placé devant eux pour performer et raffermir leurs ambitions de Top 10. Louis Burton a fait fort en pariant sur sa capacité à passer sous la dépression qui obstrue actuellement la route de Clarisse Crémer (Banque Populaire X), Romain Attanasio (Pure – Best Western©, auteur de la meilleure des vidéos sur Noël) et Armel Tripon (L’Occitane en Provence). Au près, dans trente nœuds de vent, le Malouin d’adoption a fait preuve de beaucoup d’engagement quelques jours à peine après avoir trimé le long de l’île Macquarie pour retaper une partie de son gréement…
Ce n’est plus qu’un mauvais souvenir
Il y a quatre ans, Stéphane Le Diraison avait abandonné là, à la longitude de Melbourne, Australie. 18e, de son propre aveu un peu en deçà de ses ambitions sportives, le skipper de Time for Oceans vient de dépasser ce point du globe. Le voici apaisé : « Quand je suis revenu à Melbourne sous gréement de fortune, je m’étais dit que – par la porte, par la fenêtre – je reviendrai sur ce Vendée Globe pour finir ce tour du monde, pour vivre l’aventure jusqu’au bout. Je viens de passer cette longitude. Et c’est Noël donc c’est un peu mon cadeau ! Ça fait 4 ans que je bosse comme un dingue pour ça ».
22 au Cap Leeuwin
Jérémie Beyou (Charal), qui a dépassé Kojiro Shiraishi il y a un peu plus de 48 heures, est en passe de souffler à Didac Costa (One Planet One Ocean) sa 20e place. Bien que soucieux de ménager son formidable foiler jusqu’au Cap Horn, le triple vainqueur de la Solitaire du Figaro a passé une vitesse de plus : le taureau fonce à plus de 19 nœuds de moyenne depuis près de 36 heures. Au dernier pointage, il avait avalé 462 milles en 24 heures. Les fichiers météo du moment laissent à penser que Beyou pourrait connaître encore trois belles journées de vitesse, avant de devoir se frotter à une fine mais solide dépression dotée de vents de nord de plus de trente nœuds entre dimanche et lundi.
Kojiro Shiraishi (DMG Mori Global One) a été le 22e à franchir la longitude du Cap Leeuwin, le deuxième des trois caps de ce Vendée Globe. Sa prochaine étape symbolique sera l’entrée dans l’océan Pacifique, à la hauteur de la Tasmanie.
24e, Clément Giraud (Compagnie du Lit – Jiliti) carbure lui aussi au super depuis une bonne journée. Gagnant en confiance sur un bateau et des mers qu’il apprend à connaître, le Toulonnais s’amuse de la vitesse autant qu’il s’en inquiète. La perspective d’ouvrir ses cadeaux de Noël en mer ne l’effraie pas : son cadeau, c’est d’être en course sur le Vendée Globe, et son indéfectible jovialité ne cache rien de son bonheur d’être en mer.
Ils ont dit
Stéphane Le Diraison, Time for Oceans
Le skipper n’est plus tout à fait le même non plus par rapport à 2016. Autant sur la Route du Rhum, je n’ai pas hésité à aller dans le dur, autant là je gère la course totalement différemment, avec une certaine maturité. J’ai le sentiment de me remettre dans la course là où je l’avais laissée. Aujourd’hui, je réalise plus ce que je suis en train de vivre, l’énormité de ce challenge ainsi que le plaisir et la chance de relever ce défi. Je savoure, même si ce n’est pas facile tous les jours. Je suis un nouvel homme depuis que j’ai franchi cette longitude du démâtage de 2016 !
Arnaud Boissières, La Mie Câline – Artisans Artipôle
Hier ce n’était pas terrible, mais aujourd’hui, ça va : la mer est quand même de travers mais je vais empanner pour faire cap à l’Est, voire au Nord-Est au début. C’est plutôt paisible pour installer le sapin de Noël ! En fait, une dépression secondaire se creuse et va nous amener du vent fort, un peu défavorable au début. Là je vais avoir trente nœuds de Nord-Ouest avec des rafales, et il faut que je dégage d’ici le plus rapidement possible pour éviter ce nouveau phénomène, moins attractif ! Je n’allais pas tarder à manœuvrer : j’ai enfilé mon « déguisement », pas de Père Noël mais de marin… J’anticipe un peu le vent fort à venir. Il va y avoir un peu « d’animation » sur le plan d’eau. Mais a priori avec Pip Hare, je devrais arriver à glisser devant. Toutefois, le 26-27 décembre, ça va être un peu tonique ! J’ai régulièrement des relations avec la terre et j’ai un jeune de Katmandou avec qui j’échange en anglais. Cela me permet d’avoir des nouvelles des rues du Népal ! Je l’avais rencontré avant le départ du Vendée Globe et du coup, les gens suivent la course de Katmandou… Cela donne une certaine utilité à ce qu’on fait sur l’eau : ça fait rêver les jeunes et les moins jeunes Népalais qui ont été délaissés dans les rues, mais qui ne se plaignent pas. Je sais aussi qu’on a trouvé un vaccin pour le Covid 19 : on va pouvoir faire un grand banquet à l’arrivée !
Clément Giraud, Compagnie du Lit / Jiliti
Ça avoine, comme on dit ! Je prends des milles. Depuis 4 heures de l’après-midi, j’ai entre 28 et 35 nœuds. Le bateau va très vite, pour moi en tout cas. J’ai fait des surfs à 27,5 nœuds ! C’est énergique. C’est un peu stressant, mais ça va. J’ai trouvé une configuration de voiles qui va vraiment bien, le bateau va vite, mais il est très équilibré. Les vagues le permettent aussi, même si ça commence à croiser un peu. Il faut accepter les surfs, la vitesse. J’ai un hommage à rendre, car c’est toujours quand ils ne vont pas bien qu’on parle d’eux… Je veux parler du pilote auto ! Il fait des merveilles, il gère les surfs, il garde le bateau sur la tranche jusqu’au surf suivant. Je veux faire une grosse dédicace aux pilotes qui fonctionnent ! On a une semaine un peu bizarre : ça va enchaîner dans du vent, et j’ai l’impression qu’il faut vite se ‘casser’ d’ici. J’ai hâte de rentrer dans le Pacifique. Tout le monde le dit depuis le départ. J’aurais bien passé le Cap Leeuwin le 25, j’avais ce petit objectif. Mes 40 ans au Cap de Bonne-Espérance et Noël à Leeuwin ! Pour moi Noël, c’est toujours le 25 au matin. Je n’ai pas de déco de Noël, mais je sais que j’ai un sac avec des petits cadeaux et un super repas. Je sais que mon équipe a bien fait les choses, ils sont adorables. Il y a un peu de foie gras, de vin rouge… J’ai de quoi fêter dignement Noël ! Mais je suis très concentré. Ma famille me manque. Je fête Noël mais… C’est vraiment pour la date. On est tellement décalé…
Jean Le Cam, Yes We Cam!
C’est Noël, quoi ! Forcément Noël, c’est Coluche, ce sont les restos du cœur, c’est la solidarité. Aujourd’hui on est dans une période qui n’est facile pour personne. Je trouve qu’il faut s’exprimer dans ces moments-là. ‘Trop dire fait rire, bien faire fait taire’ : Coluche, lui, il a fait ! Les Restos du cœur, c’est la main tendue vers l’autre.
Il y a Boris Herrmann qui est là, sous le vent, mais il n’a pas d’AIS : c’est ‘chiant’. Et il y a mon copain Benjamin (Dutreux) au vent, mais je vais plus vite que lui alors ça va, je peux aller dormir ! Je n’ai pas trop regardé devant. Je regarde déjà à côté de moi… Boris (Herrmann) est à côté depuis hier. Quand ça mollit, je reviens, et quand ça forcit, c’est lui qui revient, forcément car il a des foils. D’ici trois ou quatre heures, l’affaire est dans le sac !
On n’est pas dans la même situation que les mecs de devant. Ils ont un ‘bulldozer au cul’. Il fallait aller plus vite que lui parce que s’il te roule dessus, t’es mal ! C’est le cas pour Charlie Dalin, mais ça va : il marche encore à 12 nœuds. Thomas Ruyant, il n’avait pas le choix parce qu’il avait déjà du retard. L’option d’Apivia est hyper risquée : si ça mollit, il va être collé pendant deux jours. Alors que nous, on avance avec l’anticyclone. Pour le moment on fait de l’Est donc tout va bien ! Joyeux Noël à tous !
CLASSEMENT à 15h00 Heure Française
1. Yannick Bestaven, Maître CoQ IV, à 9880,4 milles de l’arrivée |
2. Charlie Dalin, Apivia, à 16,1 milles du leader |
3. Thomas Ruyant, LinkedOut, à 282,4 milles du leader |
4. Boris Herrmann Seaexplorer – Yacht Club de Monaco, à 358,6 milles du leader |
5. Jean Le Cam, Yes We Cam!, à 363,2 milles du leader |
Crédit Photo : Stephane Le Diraison
Tags sur NauticNews : Vendée Globe, VG2020
– CP –
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