Route du Rhum-Destination Guadeloupe : l’analyse du jour par Gwénolé Gahinet
En franchissant la ligne d’arrivée à Pointe-à-Pitre la nuit dernière à 1h23 (heure de métropole), Paul Meilhat a remporté la Route du Rhum en IMOCA, compte tenu de la pénalité de 24 heures infligée à Alex Thomson pour avoir démarré son moteur suite à son échouement. La victoire de Paul n’en est pas moins magnifique, à bord d’un bateau (SMA) mis à l’eau il y a huit ans et toujours équipé de dérives droites. Arrivé 2 heures et 15 minutes après le vainqueur, Yann Eliès s’est emparé de la 2eplace. A l’heure où nous écrivions ces lignes, Vincent Riou et Boris Herrmann étaient en train de contourner la Guadeloupe. Pour cette dernière chronique IMOCA, la parole est laissée à Gwénolé Gahinet, grand ami de Paul Meilhat avec qui il a beaucoup navigué sur SMA mais aussi en Figaro.
« Je suis très content pour Paul, il a fait une course magnifique. Il a bien exploité son bateau. Ce n’était pas simple car dès la sortie de la Manche la course est partie sur des allures de reaching favorables aux foilers. Mais Paul a réussi à tirer son épingle du jeu dans la première petite dépression. Puis il a tenu le coup sur la durée face à Yann Eliès et Vincent Riou qui naviguent sur des IMOCA à foils. Tout cela avec un bateau mis à l’eau il y a huit ans.
« Dans la Route du Rhum, le sens marin est primordial »
Le fait de partir en novembre rend la Route du Rhum hyper difficile et c’est aussi ce qui fait la beauté de cette course. On rencontre des conditions délicates et pourtant il faut prendre des risques car l’épreuve est courte. Ces risques doivent être mesurés et il faut savoir mettre le curseur au bon endroit. Dans la Route du Rhum, le sens marin est primordial. Paul n’en manque pas.
Il a ressenti une forme d’osmose avec son bateau. Il le disait déjà avant le départ : il adore SMA. Pourtant ce n’est vraiment pas facile de se sentir bien à bord d’un IMOCA ! C’est d’autant plus grisant quand on y parvient. Il faut passer beaucoup de temps en mer sur son bateau et participer à des courses longues pour ressentir cela. D’après ce que j’ai pu comprendre, Paul est plus que jamais accro !
Paul Meilhat, tout comme Yann Eliès d’ailleurs, cherche des sponsors pour le Vendée Globe 2020. Dans ce contexte, il savait que la meilleure chose à faire était de gagner, cela a forcément eu un effet motivant. Paul et Yann n’ont pas de regrets, ils peuvent tourner la page sereinement.
« Alex Thomson, une réaction super classe »
Coup de chapeau aux concurrents de Paul qui ont été très combatifs. Ils sont allés au bout d’eux-mêmes en suivant un rythme similaire à celui de la Solitaire du Figaro. Je suis admiratif. Alex Thomson a fait une course incroyable en prenant plus de risques. C’est d’ailleurs ce qui a causé son accident. Il a mis le curseur très haut et s’est retrouvé cramé à l’arrivée. Alex a eu une très bonne réaction après l’annonce de sa pénalité, super classe.
En cherchant sur le site de la Route du Rhum, j’ai trouvé un barème des pénalités. Sur ce document, il apparaît clairement qu’en pareille circonstance la pénalité est bien de 24 heures. La sanction est donc juste par rapport aux règles définies. Mais elle est dure dans le sens où, sur la Route du Rhum, les escales sont autorisées. Or, en cas d’escale, on a le droit d’utiliser son moteur sans subir de pénalité… Il y a un travail à mener pour améliorer la lisibilité des règles concernant les escales et les déplombages des moteurs, pour que notre sport soit mieux compris du grand public.
« Quand on a confiance en soi et en son bateau, on peut déjouer les probabilités »
La victoire de Paul Meilhat était possible mais pas vraiment probable. J’ai beaucoup suivi sa course mais aussi celle de Francis Joyon sur IDEC Sport en Ultime. C’est marrant car ce sont des projets qui présentent des similitudes. Dans les deux cas les pronostics n’étaient pas en leur faveur, et pourtant ils ont gagné. Quand on y croit, quand on a confiance en soi et en son bateau, on peut déjouer les probabilités. Sur une édition comme celle-ci, les marins font la différence. Sans oublier que les machines plus récentes ne sont pas complètement fiabilisées, ou alors les couples bateaux/skippers pas suffisamment entraînés.
« Un beau message de persévérance »
Je connais aussi très bien Boris Herrmann puisque nous avons bouclé un tour du monde ensemble sur IDEC Sport. C’était une première en solitaire pour lui en IMOCA et il a fait une belle course, en prenant une option intermédiaire entre celle d’Alex et celle du groupe de Paul, Yann et Vincent. On s’est longtemps demandé s’il pourrait recroiser correctement avec eux. Le contournement de l’anticyclone a été un peu difficile pour Boris mais finalement il s’est recalé pas trop loin derrière les quatre premiers.
Derrière, il y a une belle bagarre entre des bateaux de la génération 2008 avec Damien Seguin, Alan Roura et Stéphane Le Diraison. Je vois aussi que deux skippers non professionnels, Erik Nigon et Ari Huusela, sont toujours en course. Finir la Route du Rhum est une performance en soi. Les IMOCA sont des bateaux très compliqués à mener à solitaire. Il suffit d’une petite erreur pour avoir de gros problèmes. Je note enfin que les marins qui ont fait des escales puis sont repartis donnent un beau message de persévérance. »
Extrait de palmarès de Gwénolé Gahinet
– Détenteur du Trophée Jules Verne sur IDEC Sport
– 2e de la Transat Jacques Vabre 2017 en IMOCA (sur SMA avec Paul Meilhat)
– Vainqueur de la Rolex Fastnet Race 2017 en IMOCA (sur SMA avec Paul Meilhat)
– Vainqueur de la Transat AG2R 2014 (avec Paul Meilhat)
– 1er bizuth de la Solitaire du Figaro 2014
– 5e de la Solitaire du Figaro 2015
– Vainqueur de la Mini Transat en 2011
Crédit Photo : J.Vapillon
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– G.Gahinet –
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