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Solitaire du Figaro : une dernière étape très ouverte

A une centaine de milles de l’arrivée à Cherbourg-Octeville, l’issue de cette quatrième étape de La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire reste très ouverte, tant pour le classement de cette ultime manche que pour le résultat général… Luttant actuellement, contre un vent d’Est d’une bonne vingtaine de noeuds, la flotte qui s’était regroupée en Angleterre s’est de nouveau éclatée en Manche !

Au-dessus de la flotte ou en dessous ? C’est tout le dilemme de ce dernier grand bord de 135 milles entre la bouée anglaise de Manacles près du cap Lizard et Port Chantereyne à Cherbourg ! Car si la meute derrière Corentin Douguet (Un maillot pour la vie) s’est étalée après l’Occidentale de Sein, puis lors du passage à l’extérieur de Ouessant et du virage à la bouée de Portsall, le bord de spinnaker musclé pour traverser la Manche a sérieusement creusé les écarts la nuit dernière… Pour les réduire drastiquement sur la fin quand il a fallu affaler le spi. Au moins quatre milles récupérés pour la queue de peloton sur ce passage au large du cap Lizard.

Monter au filet
De fait, le grand bord de largue serré sous grand-voile (haute ou avec un ris selon les coureurs) et petit spi s’est transformé en bord de travers sous génois ou foc solent avant de contourner la marque pour repartir au près contre une brise de secteur Est de 20 à 25 nœuds… Et la troupe qui se suivait en file indienne, s’est d’un seul coup dispersée en éventail selon que le skipper choisissait de virer de bord tout de suite à la bouée comme Alain Gautier (Generali), ou de prolonger son cap vers le Nord-Est tel Paul Meilhat (SMA). Ces deux options marquées ont donc créé deux clans au sein du groupe de tête, plus une tribu de Nordistes qui une heure plus tard, repiquait encore plus vers les côtes anglaises sous la houlette de Xavier Macaire (Skipper Hérault).

En milieu d’après-midi, la flotte était donc de nouveau éclatée avec plus de quinze milles de différentiel latéral ! Et plus de vingt milles d’écart longitudinal… C’est dire si ce dernier louvoyage vers la Normandie est incertain, car les prévisions sur les prochaines 24 heures ne sont pas si claires qu’il n’y paraît. Certaines prévoient que le flux d’Est va se maintenir en ne mollissant que progressivement à une douzaine de nœuds sur la pointe du Cotentin, d’autres donnent une grosse molle à l’approche des îles anglo-normandes, d’autres laissent entendre une bascule lente vers le secteur Nord-Est quand certaines prédisent une rotation Est-Sud Est en arrivant sur le DST des Casquets !

Quatrième et dernier set
Or un ralentissement du régime d’Est va compresser une nouvelle fois la troupe et une légère bascule (10° suffisent) va avantager très sensiblement ceux les plus au Sud si la rotation va vers le Sud, ceux du Nord à l’inverse… Il va donc falloir prendre la balle au bond et monter au filet pour ne pas se prendre un revers. Car le terrain de jeu a été réduit : la Direction de Course a décidé de shunter le passage par l’île de Wight (soit 55 milles de moins) et c’est directement depuis la bouée Manacles que les 36 solitaires doivent faire cap sur Cherbourg. Or il y a sur la route un obstacle : le DST des Casquets (zone de séparation du trafic maritime, interdite aux skippers en course) impose donc une ligne blanche dans son Sud, et la flotte va devoir passer par le raz Blanchard, l’un des coins des côtes de France les plus mal pavés avec des courants qui peuvent dépasser les six nœuds par ce coefficient de marée (71 ce mardi soir).

Avec un marée haute à 23h27 à Aurigny (île anglo-normande au Sud du DST), il y aura donc courant contraire jusqu’à 6h07 à ce niveau… Puis la renverse va favoriser les leaders qui vont en bénéficier jusqu’à midi en arrivant dans le raz Blanchard. Mais ensuite ? Ça risque fort de buter sur ce filet… A quelques quarts d’heure près, toute la hiérarchie peut être chamboulée car tirer des bords contre le vent et le courant à flirter avec les cailloux n’est pas une sinécure pour une troisième journée de mer d’une quatrième étape de La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire !

Smash final…
Or pour l’instant, il est impossible de déterminer qui est le mieux placé dans le groupe de tête entre Alain Gautier le plus au Sud, Corentin Douguet en pointe au centre et Yann Eliès (Groupe Quéguiner-Leucémie Espoir) au vent. Avec en sus ceux qui se sont encore plus décalés au Nord comme Paul Meilhat, voire comme Isabelle Joschke (Generali Horizon Mixité) ou Thierry Chabagny (Gedimat)…

Et si l’issue de ce dernier set est aussi incertaine, le gain du match l’est aussi : Jérémie Beyou (Maître Coq) ne possède que 15’13 d’avance au classement général provisoire sur Corentin Horeau (Bretagne-Crédit Mutuel Performance) qui le colle aux basques, et 18’57 sur Charlie Dalin (Normandy Elite Team) qui est en embuscade. Sans compter Gildas Mahé (Interface Concept) à 24’02 qui est fort bien placé trois milles sous le vent du leader au classement général… La balle est désormais dans le camp d’Éole : qui va réaliser le passing-shot ?

Ils ont dit…

Jérémie Beyou (Maître Coq)
« Ce final va être long et humide ! Nous avons un bord de près de 120 milles à faire, ça ne sera pas rigolo. Mais la bonne nouvelle, c’est que j’ai mes deux concurrents dans la boîte ! Ils sont derrière moi et sous le vent… Avant les Manacles, sous spi, j’ai essayé d’être au-dessus de la route directe. J’allais vite au début avec mon grand spi et j’ai réussi à dépasser Corentin Horeau. Mais j’avoue que j’ai été toute la nuit dessus, il n’y a pas de secret, il faut y aller… Il ne reste pas grand-chose avant le final, donc j’y vais. Mais je pique du nez. »

Paul Meilhat (SMA)

« Ce sont des conditions sportives et humides avec un bon 23 nœuds de vent. Et là, on n’est pas prêt d’enlever les cirés car on va avoir le vent dans le nez avec de la mer pendant un bout de temps. On aura du vent jusqu’à l’arrivée. On a la Manche comme terrain de jeu donc ca part à droite et à gauche. J’ai une petite idée de ma stratégie mais je regarde ce que font les voisins car c’est la dernière étape et je ne suis pas trop mal placé. Le dernier bord de spi nous a cramé, mais au près on pourra se reposer un peu. »

Corentin Douguet (Un maillot pour la vie) : « Le taux d’humidité est assez élevé… »
« C’est musclé depuis cette nuit dans la Manche sous spinnaker : ça a été bien humide. Maintenant, c’est le vent dans le nez, au près ! Le taux d’humidité est assez élevé… Yann (Eliès) m’a dépassé parce que je n’étais pas super rapide sous spi au largue serré, tout comme Paul (Meilhat) et Yoann (Richomme). La flotte s’était déjà un peu regroupée au niveau de Ouessant quand on a buté contre le courant. Tout le monde est sur le même bord maintenant et à la fin, il y aura beaucoup de choses à faire avec les îles anglo-normandes et le raz Blanchard. Le DST des Casquets a priori, toute la flotte va passer dans le Sud. Je suis moyennement frais, mais pas encore moisi ! »

Gildas Morvan (Cercle Vert)
« Je me suis changé deux fois, j’étais trempé ! Je ne sais pas trop ce qu’il se passe autour, mais il va y avoir du danger avec la dorsale. C’est le final après le DST qui va être compliqué, le vent va mollir. C’est serré avec l’ensemble de la flotte. Avec les courants, les phénomènes, on va voir. J’ai fait quelques siestes, mais je n’ai quasiment pas dormi. Je veux essayer de me reposer mais ça cogne pas mal, il y a des vagues donc on va voir. Hier j’ai réussi à manger un canard, mais là je n’ai encore rien avalé, je vais essayer de ranger le bateau et manger un bout ensuite. »

Gildas Mahé (Interface Concept)
« On n’arrête pas ! C’est dur, on n’a pas trop de moments de pause. C’est tonique cette régate, ça demande de l’énergie mais c’est la dernière donc on va se donner à fond. Le fait de partir au près, ça permet de mettre un peu le pilote : j’en profite pour faire une petite sieste. L’alimentation ça va, mais c’est le sommeil qui manque un peu. La mer est chaotique, il y a du vent, on va avoir encore un peu de courant avec nous le long des côtes anglaises avec un vent de Nord-Est à Est. La mer n’est pas facile à négocier mais le pilote s’en sort bien jusque-là. Ce changement de parcours modifie un peu les plans, cela change la stratégie car on n’a plus de météo pour cette fin de parcours, il faut réfléchir à la stratégie. »

Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012) :
« J’ai beaucoup barré cette nuit, on était au largue serré quasiment toute la nuit. Nous étions sous spi, c’était intense, technique, un bord assez dur. Là, nous sommes au près, ça tape fort, la mer n’est pas très belle. Nous avons entre 20 et 25 nœuds de vent et on attend de voir ce que cela va donner. On essaie de voir en fonction de la prévision de ce matin. On est passé quasiment tous ensemble et globalement, c’est vrai que c’est assez serré. Il n’y a pas vraiment eu de créneaux pour dormir jusqu’à présent, et là sur le dernier grand bord il n’y en aura pas non plus. On va voir ce que ca donne avec le DST, le jeu est ouvert jusqu’à l’arrivée. »

Crédit Photo : A.Courcoux

Tags sur NauticNews: Solitaire du Figaro, Trophée Eric Bompard

– CP –

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