Solitaire du Figaro : Le trio de Porto
La première étape de La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire a consacré Yann Eliès (Groupe Quéguiner-Leucémie Espoir), large premier après trois jours et trois heures de course marqués par des conditions météorologiques très variées, suivi par Frédéric Duthil (Sepalumic), brillant dauphin à 44 minutes du leader. La troisième place a été très disputée jusqu’à la ligne d’arrivée entre Xavier Macaire (Skipper Hérault) et Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) au profit de ce dernier. Leurs poursuivants concèdent plus d’une heure au premier et quelques favoris de cette 44ème édition sont en ballottage défavorable pour la suite…
La joie d’un côté, la déception de l’autre : La Solitaire a l’art de provoquer des réactions spontanées et des émotions fortes, surtout après trois jours de mer et une météo pour le moins contrastée. Un louvoyage pour sortir de l’estuaire de la Gironde avec un échouage (Simon Troël), un long bord de spinnaker dans une quinzaine de nœuds pour traverser le golfe de Gascogne, un sérieux coup de vent au large de la pointe Ortega avec plus de 35 nœuds d’Est et une mer déglinguée, un calme soudain juste après le cap Finisterre provoquant un regroupement général et un final sur les cent derniers milles plein de rebondissements au gré de risées asthmatiques et de bascules de brises inconsistantes. Bref un scénario presque habituel pour les spécialistes du Figaro-Bénéteau, mais tout de même un parcours essaimé de pièges qui a mis en valeur pléthore de prétendants.
Coup de rein final
Et si après le coup d’accélérateur de la pointe espagnole, seuls quelques têtes de série étaient mises en difficulté tels Nicolas Lunven (Generali) ou Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012), le match était très ouvert entre les trente premiers emmenés successivement par Michel Desjoyeaux (TBS), Alexis Loison (Groupe Fiva), Jean-Pierre Nicol, puis Yann Eliès.
Le premier de cette étape a en fait pris l’ascendant au coucher du soleil mardi quand, avec le groupe le plus au large, il pointait son étrave vers le Sud en compagnie de Frédéric Duthil. A ce moment, les leaders étaient encore les partisans d’une trajectoire plus à terre, mais ils tombèrent dans un trou de vent vers 2h… Quant au peloton, il s’était éclaté en deux clans : les partisans de la route directe emmenés par le Britannique Edmund Hill (Artemis 37) et les afficionados du large avec Yann Eliès en pointe.
C’est à ce moment que la course s’est décantée : pendant qu’une bulle sans vent stoppait les clans de la terre, les coureurs les plus à l’extérieur bénéficiaient encore d’une jolie brise de Nord-Ouest sous spinnaker maxi. En moins de deux heures, le match avait totalement basculé puisque Yann Eliès n’avait plus que Frédéric Duthil dans son tableau arrière à moins d’un mille et Xavier Macaire à plus de quatre milles. A cinquante milles de l’arrivée à Porto, il n’y avait plus qu’à dérouler, même si quelques bulles sans vent ponctuaient ce final.
Frédéric Duthil assurait une fort belle place de dauphin à 44 minutes du leader, moins favorisé par la brise à géométrie variable qui soufflait au large de Porto. Au point qu’il voyait revenir Jean-Pierre Nicol par l’intérieur, soufflant par là même, la troisième marche du podium à Xavier Macaire…
Les mots de Frédéric Duhtil et Jean-Pierre Nicol :
Frédéric Duthil (Sepalumic)
« C’était une étape qui est restée incertaine jusqu’à la dernière soirée. Avec Yann (Eliès) on a décidé de prendre la même route tous les deux : j’étais assez convaincu et au petit matin, on savait que nous avions fait une bonne nuit puisque nous avions du vent. Mais on ne savait pas où étaient les autres puisqu’il y avait un gros décalage au point qu’on ne les voyait plus à l’AIS. Le classement de ce matin nous a rassuré !
Le delta avec Yann à l’arrivée s’explique parce qu’il est parti avec un petit souffle d’air en plus alors que nous étions côte à côte, et j’ai vu mes poursuivants revenir très fort. Alors je suis content de finir sur le podium parce que cela faisait trois années de disette… ça fait plaisir et j’espère que ça va continuer.
Comme il y a eu un regroupement au cap Finisterre, tout le monde est reparti de zéro : il y a eu une ligne d’égalité, comme un nouveau départ de régate. Yann a la vitesse et il arrive toujours à s’extraire d’un paquet de bateaux ; moi, j’ai tiré la bonne option et cela faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé… Je vais vite au portant dans du vent, mais moins vite que Yann dans les petits airs.
J’ai un écart de 44 minutes sur Yann, mais cette année, la course est en quatre étapes plutôt longues. Le niveau est tellement homogène cette fois que l’issue est incertaine encore : une mauvaise option, et on perd très vite dix ou vingt places et ça peut arriver à tout le monde.
Il y a eu une hécatombe dans la nuit au cap Finisterre et certains ne s’en sont pas remis dès qu’ils avaient cassé du matériel… Il ne fallait pas se relâcher à ce moment : c’était une étape bien physique avec une fin qui n’en finissait pas… »
Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls)
« Je reviens du bout du monde ! Je me suis battu parce que j’avais en tête de faire quelque chose sur cette Solitaire. Et donc particulièrement sur cette première étape. Yann nous a mis une belle raclée mais par rapport au reste de la flotte, c’est pas mal.
J’ai joué avec mes atouts et parfois cela peut paraître excessif vu de l’extérieur, mais quand il manque une voile (grand spinnaker déchiré), il faut bien se démarquer sur des options. J’en ai chialé quand j’ai vu que je ne pourrais pas le réparer. Heureusement, j’ai travaillé avec un coach cet hiver qui m’a apporté plus de sérénité. Et quand j’ai vu que j’étais encore dans le match au cap Finisterre, ça m’a regonflé à bloc. Je suis allé le chercher au mental ce podium et il faut aussi être un peu joueur ! Je commence à prendre du plaisir, à être patient, ce qui n’était pas le cas avant.
Je suis passé par dessous ensuite, mais j’ai privilégié l’effet thermique jusqu’à ce que je vois que les gars au large avançaient bien : j’ai mis la poignée dans le coin et je suis parti à leur rencontre sur une route intermédiaire pour avoir un bon angle d’attaque à l’arrivée.
Là, Yann (Eliès) a bien creusé l’écart sur nous mais derrière nous, il y a une dizaine de bateaux dont des favoris, ont pris beaucoup de retard. Il y a encore des opportunités… »
Ordre d’arrivée des dix premiers de la première étape de La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire (Bordeaux-Porto : 536 milles)
- Yann Eliès (Groupe Quéguiner-Leucémie espoir) mercredi 5 juin à 16h 03′ 26 » en 3j 3h 3′ 26 »
- Frédéric Duthil (Sepalumic) à 16h 47′ 30 » à 44′ 04 »
- Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) à 56′ 18 »
- Xavier Macaire (Skipper Hérault) à 1h 05’12 »
- Alexis Loison (Groupe Fiva) à 1h 17’56 »
- Gildas Morvan (Cercle Vert) à 1h 26′ 06 »
- Thierry Chabagny (Gedimat) à 1h 24’20 »
- Sam Goodchild (Shelterbox-Disaster Relief) à 1h 46’03 »
- Paul Meilhat (Skipper Macif 2011) à 1h51’06 »
- Yoann Richomme (DLBC) à1h56’09 »
Crédit Photo: COURCOUX Alexis
Tags sur NauticNews: Solitaire du Figaro, Trophée Eric Bompard
– CP –
1 Commentaire
bonjour à yann Eliès
nous l’avons rencontré jeudi 30 mai à Bordeaux dans le cadre de la fête du fleuve.
nous l’avions interviewé pendant une demi-heure et il avait très compréhensif très disert.
nous l’en remercions. toute la classe le félicite pour sa victoire d’étapes et lui souhaite
« bon vent » pour la suite.
la classe de CM1/CM2 de l’école Bel Air de Bordeaux