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Solitaire du Figaro: le sacre de Jérémie Beyou

Jérémie Beyou n’aura pas fait dans le détail : il remporte trois étapes sur quatre dans des conditions météorologiques très variées, sur un parcours original proposant beaucoup de côtier, avec une prédominance en Manche et une bataille très serrée tout au long des 1 647 milles de cette 42ème édition. Côté bizuth, Morgan Lagravière s’impose avec panache.

Etape 1 : de Perros-Guirec à Caen (293 milles)
Le jeune Normand en ses eaux
La spécificité de cette 42ème Solitaire du Figaro vient du fait que la Manche est le principal terrain de jeu et dès les premiers milles, les 47 solitaires doivent composer avec des courants de marée très importants. A l’image de cette première étape où les skippers vont devoir affronter des coefficients de plus de 100 ! Et comme le vent s’annonce plutôt faible, le stress est d’être d’entrée de match relégué aux tréfonds suite à un passage à niveau : tous les skippers mettent donc du charbon pour ne pas se faire décrocher. Cet état d’esprit donnera le ton pour toute la suite de l’épreuve, montant encore d’un cran la pression qui pèsera jusqu’à la fin sur les épaules des leaders. A peine les Sept-Îles parées, la flotte grimpe sous spinnaker serré vers la bouée mouillée devant Plymouth. La brise est finalement suffisante pour que les concurrents puissent longer les côtes anglaises vers les Needles, sans réelle dispersion à part quelques petites options qui ne portent pas leurs fruits. Et le courant s’inverse quand les premiers virent la bouée de Fairway, heureusement avec une jolie brise thermique d’Ouest qui permet d’affronter le jusant : la descente vers la Normandie ne semble pas poser de problème aux trois leaders qui se sont succédés en tête depuis leur entrée en Manche, Jérémie Beyou, Thomas Rouxel et Nicolas Lunven. Mais leurs poursuivants sont toujours restés aux aguets avec un peloton groupé à moins d’un mille !

La troisième nuit de mer est celle de tous les dangers car lorsque la flotte s’apprête à parer la pointe du Cotentin, le courant de marée s’inverse une nouvelle fois alors que le vent fait totalement défaut… Refoulés vers Barfleur, nombre de solitaires mouillent tandis que d’autres n’arrivent pas à crocher l’ancre ou persévèrent sous voile à la faveur d’une risée bénéfique. A vingt-cinq milles de l’arrivée, tout est relancé et quand le vent daigne revenir de secteur Est, Gildas Morvan (Cercle Vert) s’extrait le premier, suivi de Fabien Delahaye (Port de Caen-Ouistreham), de Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) et du premier bizuth, Xavier Macaire (Starter Active Bridge). Alors de Frédéric Duthil (Sepalumic) ne passe pas la dernière porte du parcours (et prendra une heure de pénalité qui plombera sa course), le jeune Normand arrivera dans les derniers milles à dépasser le « géant vert ». Le retour du vent permet à 60% de la flotte d’en finir en moins d’une heure…

Classement de la 1ère étape

  1. Fabien Delahaye (Port de Caen-Ouistreham) en 50h 14’ 36
  2. Gildas Morvan (Cercle Vert) à 11’09
  3. Jean Pierre Nicol (Bernard Controls) à 11’22
  4. Jérémie Beyou (BPI) à 12’28
  5. Xavier Macaire (Starter Active Bridge), premier bizuth à 14’08

Etape 2 : de Caen à Dún Laoghaire (440 milles)
Jérémie Beyou prend le commandement
La deuxième manche s’annonce tendue : vingt-cinq nœuds de vent minimum de secteur Ouest puis Nord-Ouest, une Manche très agitée et un raz Blanchard à franchir contre le courant ! Le départ devant Ouistreham donne déjà le ton puisqu’un grain très violent s’abat sur la flotte à peine le parcours préliminaire avalé : 35 nœuds de vent, une pluie diluvienne, et deux interventions du PSP Cormoran pour récupérer des plaisanciers. Le bateau de la Marine nationale aura fort à faire quelques heures plus tard lorsque David Sineau (Britanie Cosmétiques) talonne brutalement sur les roches parsemant la pointe de La Hague : victime d’une voie d’eau, le bateau revient à Cherbourg sous escorte. Plus de peur que de mal ! Pour les autres solitaires, ce passage névralgique est particulièrement dur et délicat, à raser le phare pour se cacher du courant contraire… Seul le bizuth Thomas Ruyant (Destination Dunkerque) tente une option au large qui s’avère désastreuse. Une fois les îles anglo-normandes parées, la flotte continue son louvoyage vers Land’s End face à 20-25 nœuds de Nord-Ouest et trois mètres de creux. Impossible de prendre du repos ou de lâcher la barre au risque de perdre du terrain, alors que Anthony Marchand (Bretagne Crédit Mutuel Espoir) persévère sans pilote ni électronique depuis le départ !

A la pointe de la Cornouaille britannique, le vent s’essouffle avec l’arrivée d’une dorsale, provoquant un incroyable regroupement : presque toute la flotte est sur la même ligne avec l’ex-groupe leader emmené par Jérémie Beyou le plus à l’Ouest. Et quand un front arrive avec du vent de Sud-Ouest de plus en plus musclé, le peloton accélère dans le sillage d’un leader qui crée progressivement l’écart. Le final le long des côtes irlandaises n’est pas très simple avec des trous de vent et des rafales à plus de 30 nœuds qui explosent les spis : Nicolas Lunven (Generali) trouve une solution par le large, quand Adrien Hardy (Agir Recouvrement) s’engouffre à la côte… Et le bizuth Morgan Lagravière (Vendée) réalise un superbe final en prenant la 6ème place !

Classement de la 2ème étape

  1. Jérémie Beyou (BPI) en 65h 25’16
  2. Nicolas Lunven (Generali) à 19’54
  3. Adrien Hardy (Agir Recouvrement) à 37’46
  4. Thomas Rouxel (Bretagne Crédit Mutuel Performance) à 37’54
  5. Thierry Chabagny (Gedimat) à 39’39
  6. Morgan Lagravière (Vendée), premier bizuth à 41’59

Etape 3 : de Dún Laoghaire aux Sables d’Olonne (477 milles)
Beyou enfonce le clou
A mi-parcours, rien n’est acquis à l’orée d’une troisième étape qui annonce un joli coup d’arnaque quand la flotte va atterrir sur la pointe de la Bretagne. Dès le départ, les 46 solitaires encore en course en voient de toutes les couleurs : une petite brise qui se transforme en grain violent, suivi d’un calme plat ! A peine la bouée Radio France virée, le peloton s’étire sur plus de dix milles… A terre, la brise s’installe, au large elle se dissout et les premiers dont Jeanne Grégoire (Banque Populaire) ou Vincent Biarnes (Prati’Bûches) ferment alors la marche. Pour traverser la mer d’Irlande puis le canal Saint-Georges et la mer Celtique, les skippers doivent alterner génois et spinnaker serré dans la nuit. Après 24h de mer, les premiers parviennent à Land’s End et Jérémie Beyou donne encore le tempo, avec un petit mille d’avance sur Fabien Delahaye, Nicolas Lunven, Erwan Tabarly and Co… L’atterrissage sur Ouessant est délicat car le flot de marée contrarie la progression et tend à compresser la flotte : les leaders jouent entre les cailloux du chenal du Four, d’autres tentent des coups à terre ou le long de Molène… Mais à la sortie, quand la renverse facilite la traversée de la mer d’Iroise, le skipper de BPI est encore en tête. De peu certes, mais c’est lui qui ouvre la piste pour passer le raz de Sein avec la marée descendante, affronter le jusant à Penmarc’h et envoyer le spinnaker au large de Groix. Dans une légère brise de secteur Ouest à Nord-Ouest, il n’y a pas vraiment d’opportunité d’attaquer et ceux comme Eric Drouglazet (Luisina) ou Gildas Morvan (Cercle Vert) qui tentent de passer au Nord de Belle-Île s’en mordent les doigts !

Le pack est encore très compact lorsque la troisième nuit tombe et que le vent revient au secteur Nord-Est d’une dizaine de nœuds : c’est le petit train qui cingle vers la Vendée avec encore des écarts infimes entre les vingt premiers. Le podium semble dessiné quand une masse orageuse englobe la flotte, larguant éclairs et coups de tonnerre dans une ambiance de fin du monde quand le soleil se lève à l’horizon. La brise part en vrille : elle tourne en tous sens, monte et descend et la tension est palpable à quelques milles seulement de l’arrivée, car un grand chambardement est envisageable… Mais Jérémie Beyou contrôle son dauphin Fabien Delahaye, lui-même suivi de près par Erwan Tabarly (Nacarat) et Thierry Chabagny (Gedimat) tandis que Morgan Lagravière (Vendée) confirme son statut de meilleur bizuth à la 9ème place.

Classement de la 3ème étape

  1. Jérémie Beyou (BPI) en 68h 39’20
  2. Fabien Delahaye (Port de Caen-Ouistreham) à 4’13
  3. Erwan Tabarly (Nacarat) à 11’31
  4. Thierry Chabagny (Gedimat) à 12’14
  5. Frédéric Duthil (Sepalumic) à 15’27…

Etape 4 : des Sables d’Olonne à Dieppe (437 milles)
Photo finish pour l’arrivée…

L’ultime manche n’est pas la plus aisée avec un contournement de toute la Bretagne par le raz de Sein et le Four pour terminer une nouvelle fois par le raz Blanchard et la pointe de Barfleur ! De quoi mettre en ballotage un podium qui est sous la pression d’une bonne douzaine de prétendants qui ne demandent qu’à tenter des options pour créer la surprise… Et d’entrée de jeu, Frédéric Rivet (Vendée 1) se démarque avec Marc Emig (Ensemble autour du monde) pour s’écarter au large et passer en rasant l’île d’Yeu. Dans ce louvoyage de petit temps, il y a de quoi s’échapper, mais le vent revient par le Nord-Est en balayant toute la flotte. Sous spinnaker, le peloton est une nouvelle fois extrêmement groupé derrière… Jérémie Beyou ! Louis Maurice Tannyères (St Ericsson) tout juste marié la veille, jette l’éponge suite à une fuite de ballast tandis que Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste) se voit contraint de rallier Lorient, son entorse à la cheville l’empêchant de suivre le rythme. Car le tempo est encore très soutenu derrière le leader qui n’a pas grande marge sur ses poursuivants. Le raz de Sein avalé contre le courant de jusant, le chenal du Four est plus facile à négocier avec la marée montante dans un vent de Nord-Ouest qui s’essouffle en tournant au Nord, puis au Nord-Est : le louvoyage est au programme…

Pas d’option tactique en vue, juste de petits recalages dans un pack serré qui file vers l’île de Batz. Chacun surveille ses adversaires les plus proches au classement général, à l’image de Jérémie Beyou qui ne lâche pas d’une étrave Fabien Delahaye. Mais un centre dépressionnaire orageux se positionne sur la flotte au large : petit temps et ouverture par le large pour Laurent Gouezigoux (Valorisons) et Michel Bothuon (Les Recycleurs Bretons) qui partent plein Nord. Ils touchent le nouveau vent de Nord-Ouest en premiers et passent au Nord de Guernesey quand la majorité peine sous l’île anglo-normande. Mais le coup n’est pas suffisant pour inquiéter les leaders : Paul Meilhat (Macif 2011), Jérémie Beyou, Fabien Delahaye et Erwan Tabarly mènent le bal. Ils arriveront à Dieppe avec 35 secondes d’écart ! Avec trois victoires d’étape, Jérémie Beyou est sacré « Maître Yoda » de cette 42ème édition, Fabien Delahaye confirme son statut de dauphin et Erwan Tabarly finit très fort en grillant la politesse à Nicolas Lunven et Thomas Rouxel, moins percutants sur cette dernière manche. Quant à Morgan Lagravière, il domine le classement bizuth devant Xavier Macaire et le Britannique Phil Sharp (The Spirit of Independence), en prenant la 7ème place au classement général !

Classement de la 4ème étape

  1. Jérémie Beyou (BPI) en 72h 37’01
  2. Paul Meilhat (Macif 2011) à 12’’
  3. Fabien Delahaye (Port de Caen-Ouistreham) à 28’’
  4. Erwan Tabarly (Nacarat) à 35’’
  5. Laurent Gouezigoux (Valorisons) à 4’03…

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– CP –

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