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WHY: un pas est sur le point d’être franchi (2ème partie)
10/2009 –
Justement, ce nouveau territoire a-t-il exigé une autre manière de concevoir un bateau ?
P.-A.D. C’est en effet un projet étrange, et son atypisme m’attire, comme lorsqu’on aborde un nouveau monde. La maison Hermès a besoin de projets de cette envergure. WHY s’attaque au réel problème de la consommation, accru par le contexte mondial. Nous apportons une réponse à un domaine où les clients se doivent de donner l’exemple, de forger une éthique nouvelle. En fait, il manque à ce marché un bateau conçu avec une forte préoccupation environnementale. Cette nouvelle façon de se déplacer sur l’eau doit aboutir à une nouvelle gestion de l’énergie, ses sources, ses usages, son recyclage. Il en va de même pour le choix de matériaux limitant l’impact sur l’environnement.
G.P. En matière de design, on n’aborde pas un bateau comme un autre objet. Il s’agit d’un monde déjà circonscrit par la forme même de la coque. Nous n’avons pas dessiné un bateau, nous avons mis en forme un concept. La mer est l’un des derniers espaces de liberté. Décider d’y vivre exige de reconsidérer tout ce qui a été fait auparavant. Faire table rase ! Nous proposons, par exemple, une véritable piste pour faire son jogging, courant sur le pourtour du navire et qui s’inspire du chemin des douaniers. Il nous a fallu surtout transposer et traduire des fonctions en formes, et vice-versa, en faisant fusionner le regard d’Hermès et celui de Wally.
L.B.A. Un bateau, ça bouge. Tout le monde n’a pas le pied marin. Il faut donc qu’il soit le plus stable possible. C’est la base conceptuelle fondamentale du projet WHY. Nous avons procédé à six mois de tests en bassin pour voir comment il se comportait dans une mer formée. Résultat, en pleine houle, la proue bouge à peine, la poupe, pas du tout. Ancré, le bateau crée en surface arrière un plat total assimilable à un bassin olympique dans lequel on peut nager en toute quiétude. Il y a, en proue, une piscine miroir d’eau de mer de 25 mètres de long, qui épouse la courbe du navire.
P.-A.D. Sa lenteur dicte une esthétique nouvelle, son usage le rend beau, étrangement beau. L’idée d’une architecture est venue ensuite, naturellement.
Avez-vous procédé de même pour la conception de son intérieur ?
P.-A.D. Le volume dégagé par cette carène appelait une véritable architecture intérieure. C’est la maison sur l’eau ! Très naturellement, nous avons invité l’agence RDAI, avec laquelle Hermès collabore depuis plus de trente ans, à réfléchir à un geste architectural en cohérence avec le concept général du bateau. La réponse a été puissante, au-delà de nos espérances. Luca et moi avons été enthousiasmés par le projet.
En matière d’aménagement intérieur, quelles sont les limites ?
L.B.A. La décoration intérieure d’un yacht est un point de rencontre entre la brutalité du navire et la fragilité du corps humain. Quand j’ai commencé à dessiner des bateaux, mon souci fut d’y créer des espaces sensuels et rassurants. La vie à bord oblige à des contraintes esthétiques qui relèvent plus des matériaux que des formes. Il faut toujours avoir en tête que sur un bateau, on vit pieds nus, en maillot de bain. Le contact des matières avec la peau est primordial. Pas d’angles vifs, pas de matériaux blessants, abrasifs. Tout doit être agréable, inoffensif, « épidermique ».
Quelles sont les fonctions nécessaires à la vie à bord ?
L.B.A. La ventilation, le refroidissement de tous les systèmes. Puis l’eau douce, produite à base d’eau de mer dessalinisée. Enfin, il y a la conservation des aliments. J’ai même songé à planter un potager, à faire un pré‑salé ! Cela n’a rien d’extravagant : depuis l’Antiquité, les navires ont toujours eu, dans les coins les moins mouillés, un vrai giardinetto, où poussaient des légumes, du basilic, des herbes aromatiques…
De quelles innovations ce premier bateau WHY est-il doté ?
L.B.A. La SkySails®*, une technologie nouvelle. Il y a également les panneaux photovoltaïques en silice, une première à cette échelle, puisque même les navires de croisière ne sont pas dotés d’une telle surface, ici totalement modulable, rétractable, et laissant filtrer la lumière et la brise. Ils relèvent d’une toute dernière génération, emmagasinant assez d’énergie pour alimenter presque la moitié des besoins d’un équipage de vingt personnes et de douze passagers évoluant sur plus de 3 000 mètres carrés.
G.P. Nous avons également apporté des innovations d’usage avec le chemin des douaniers, une plage de 30 mètres à l’arrière, et un couloir de nage qui épouse la proue du navire.
P.-A.D. Le bateau est contenu dans la coque. Il n’y a pas de superstructure. Seule la cabine de pilotage émerge de la silhouette du navire, comme un phare sur une île. La lumière est devenue une préoccupation majeure. Influencé sans doute par mes racines méditerranéennes, je rêvais d’un patio à ciel ouvert au cœur du navire et d’y planter un olivier. C’est chose faite, et grâce à ces puits de lumière, une luminosité heureuse dessine les espaces intérieurs…
Avec ses dimensions et son concept hors norme, ce premier bateau WHY ne serait-il qu’une utopie ?
P.-A.D. Depuis six générations, la maison Hermès a toujours grandi grâce à des réalisations extraordinaires dont nos artisans ont besoin pour se surpasser. Ce projet monumental est à la hauteur de nos rêves. Il ne s’agit pas d’une utopie mais bien de la réalisation d’un rêve, de la concrétisation d’un espoir, celui de vivre sur l’eau en communion avec les éléments dans un confort absolu.
L.B.A. Je ne connais aucune limite à mon imagination. Penser un bateau comme une île n’est pas une utopie. Nous sommes en train de le démontrer, non ?
Si vous deviez résumer en quelques mots ce que représente pour vous ce bateau ?
P.-A.D. Un rêve. Notre capacité réelle à innover. Une architecture sur l’eau, en harmonie avec la nature, faite de matériaux durables et de lumière, dans un esprit artisan. Une nouvelle façon de vivre en mer.
L.B.A. Je connais par cœur un sonnet de Dante sur la mer. Et mon père a navigué toute sa vie avec quelques vers du «Cyrano» d’Edmond Rostand encadrés sur son bateau… Une île, un pic, un cap, une péninsule.
*SkySails: il s’agit d’un système d’éoliennes téléscopiques ainsi qu’un mât escamotable avec une voile de plus de 200 mètres carrés contrôlée par ordinateur et qui procurera au moins 30 % de l’énergie utile à la propulsion.
Fiche technique NauticNews.com du WHY
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– AlP –
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