Portrait Jean Le Cam : Un autre regard sur le « Roi Jean »….
Plutôt qu’un long portrait, voici : Les fables de Le Cam
Jean le Cam – Un concurrent dangereux. Un marin à l’expérience vaste et aboutie.
46 ans – Marié deux enfants.
Triple vainqueur du Figaro
Second du dernier Vendée Globe. Deux titres qui résument les innombrables podiums intermédiaires….
Le public et la presse en général ont découvert la personnalité du « Roi Jean » pendant ce récent Vendée Globe. Pourtant ceux qui le connaissent bien, et Kito de Pavant qui le côtoie depuis de longues années le confirme : « Jean n’a pas changé, il est réservé à terre, silencieux et secret pendant les préparations de course, mais il a toujours été un remarquable animateur de vacations et de podiums ! Chacune de ses interventions a toujours été une explosion d’humour, une démonstration de bon sens et souvent une leçon de philosophie ».
1/ Je n’ai pas passé mon bac mais je savais ce que je voulais faire : de la voile !
J’étais en Terminale C (scientifique) mais je ne voulais pas passer mon bac. Le jour de l’examen, je me suis caché dans ma voiture (une vielle 2 CV que j’avais bricolée)… et j’ai laissé passer la journée !
En fait, je ne voulais pas avoir mon bac pour ne pas avoir à faire d’études supérieures… Mais si j’ai fait cela c’est parce que je savais ce que je voulais faire… De la voile !!! C’était un pari audacieux car à cette époque (1977/1978), peu de marins en vivaient et ce métier de skipper semblait aussi périlleux que celui de chanteur ou d’acteur !
Un métier pas très sérieux aux yeux des grandes personnes… mais, un avenir évident pour moi. Quoi qu’il en soit… Je voulais rester à l’école le plus longtemps possible pour apprendre et avoir l’esprit ouvert. Et même si le bac ne m’intéressait pas, j’ai appris des choses qui m’ont aidé à être ce que je suis aujourd’hui.
La physique, les mathématiques, la géométrie, pour la construction de mes bateaux et la navigation; les langues étrangères pour communiquer sur toutes les mers du globe; l’éducation physique pour apprendre à me dépasser et à rester en forme ; et toutes les autres matières pour ma culture générale !
Moralité : Ne jamais lâcher la proie pour l’ombre. Et apprendre tout ce que l’on peut quand nous en avons les moyens. Nous avons la chance en France d’avoir une école gratuite ; bien sûr ce n’est pas parfait et pour beaucoup de familles qui n’ont pas d’argent ce n’est pas toujours facile… Mais tout se gagne et il faut y croire ! Et pensez bien que ce que vous apprenez c’est pour vous-même et que cela vous servira plus tard.
2/ J’avais fait un choix et il fallait que je l’assume !
Pour construire cet avenir incertain et atteindre mon objectif, ma vie d’adolescent s’est donc rythmée au gré des régates, des entraînements d’hiver, de recherche de sponsors, de petits boulots. Tout mon temps était consacré à la voile ; j’avais peu d’amis, je n’allais pas au cinéma, je n’allais pas dans les boums, je ne partais pas en vacances… Mais je faisais ce que j’avais choisi. J’ai multiplié toutes les expériences et j’ai fait feu de tout bois.
En quelque sorte, j’ai fait mes études supérieures à bord de pleins de bateaux, avec différents professeurs et surtout la volonté de toujours mieux faire, de faire évoluer les choses (la technique à mettre en oeuvre, les matériaux à utiliser), j’ai développé mon sens de l’observation et j’ai appris à analyser ce que je voyais pour progresser. Et cela est toujours valable aujourd’hui !
Moralité : si vous croyez en quelque chose, foncez ! Mais donnez-vous les moyens de réussir et soyez lucides… Ce sera toujours au détriment de quelque chose.
3/ Je ne voulais pas faire mon service militaire à terre…
Ensuite, j’ai participé à ma première grande course, un tour du monde en équipage avec Eric Tabarly. En fait, je ne voulais pas faire mon service militaire (obligatoire à l’époque) à terre. Alors j’ai pris mon courage à deux mains et je suis allé frapper à la porte d’Eric Tabarly qui a accepté de m’embarquer sur son Pen Duick VI pour la Withbread.
Ce tour du monde se déroulait en équipage avec des escales et j’ai découvert de nombreux pays, l’Afrique du sud, la Nouvelle-Zélande, l’Amérique du sud. Une grande leçon de géographie et d’humanité… Je me suis rendu compte qu’en France notre sens de l’accueil n’était pas aussi développé que dans beaucoup de pays… Et oui, nous ne sommes pas les plus beaux, les plus forts, les plus intelligents ! J’ai appris à regarder le monde et cela a développé en moi un inébranlable sentiment de tolérance et de respect et j’ai acquis la certitude que nous n’avions aucune leçon à donner à personne !
Alors que nous étions une dizaine et que nous avions vécu ensemble dans un espace restreint pendant une année entière, je me suis rendu compte à entendre nos récits que nous n’avions pas vécu la même chose. Chacun d’entre nous avait une vision différente car chacun d’entre nous était parti chercher quelque chose qui lui était propre. Pour certains, l’aventure ; pour d’autres, la gagne ou encore le partage. Avions-nous trouvé ce que nous voulions ? le cherchons-nous encore aujourd’hui ? je n’ai pas les réponses, mais j’ai découvert que l’être humain était unique et qu’il fallait respecter l’autre même s’il ne partage pas la même philosophie de la vie.
Moralité : 10 bonshommes différents peuvent faire tourner un bateau autour du monde… Alors je veux croire que des milliards de personnes peuvent faire tourner le monde pour peu qu’elles respectent l’autre et acceptent la différence…
4/ Jean qui rit, Jean qui pleure…
J’ai continué ma vie d’adulte comme ma vie d’adolescent… La voile, toujours la voile.
J’ai créé un chantier avec mes deux amis d’adolescence (il existe toujours aujourd’hui, mais je n’en fais plus partie), j’ai construit mes premiers bateaux (des Formules 40) ; j’ai remporté mes premiers succès… Champion du Monde ! Et puis j’ai changé de bateau et j’ai recommencé à participer au circuit « Figaro ». la Solitaire du Figaro a été la course à laquelle j’ai le plus participé. J’ai gagné des étapes et perdu des courses sur le fil du rasoir. J’ai hurlé, tempêté et ragé ; Entre rires et pleurs, de succès en échecs, j’ai côtoyé les honneurs et connu le pire. Alors là j’ai encore appris sur moi et sur les autres… J’ai appris à reconnaître les faux-amis (ceux qui sont tout sourire parce que nous avons réussi ; ceux-là même qui vous tournent le dos et vous enterrent dès que vous êtes confronté à l’échec).
J’ai appris à me dépasser, à aller le plus loin possible, à repousser les limites du sommeil, à avaler les couleuvres, à accepter l’inévitable et à déguster les victoires. Savant cocktail et fragile équilibre… Décidément la voile n’est pas une science exacte, rien n’est jamais acquis et il faut savoir tout remettre en question tout en gardant confiance.
Moralité : Un jour sera blanc, l’autre noir ; sans raison précise alors il faut garder la tête froide, rester humble et continuer à avancer, ses objectifs bien en vue.
5/ De bien belles rencontres
Toutes ces années m’ont permis de faire de bien belles rencontres ; Mes sponsors, des gens biens avec qui nous avons tissé des liens d’amitié. Je les remercie de leur confiance et de leur engagement à mes côtés.
En croyant en moi, ils m’ont fait croire en moi aussi. Ils m’ont aidé à grandir et accompagné dans toutes mes aventures. Et même si le succès n’était pas toujours au rendez-vous, ils étaient encore là pour m’accueillir et m’entourer. Et puis, il y a l’équipe avec qui je travaille et ceux avec qui j’ai travaillé. Ils sont dans l’ombre et ne comptent pas leurs heures (pas de RTT !). Je suis exigeant et pas toujours commode… Mais ils sont là, indéfectibles.
Ce bateau jaune qui participe au Vendée Globe, c’est leur bateau tout autant que le mien, même si je suis seul à bord ! Et si je n’ai pas eu de problème c’est qu’ils ont travaillé d’arrache pied avec toutes leurs compétences. Merci à eux !
Moralité : seul, nous ne pouvons rien faire. Nous formons une chaîne et chaque maillon joue pleinement son rôle.
6/ Et la nature dans tout ça ???
La mer, les océans sont menacés par nous. Souillés par l’homme, par des dégazages sauvages, des poubelles jetées par-dessus bord, des chasses sauvages. Les animaux marins souffrent, disparaissent et les écosystèmes perdent la boule !
Nous pourrions en dire autant de la terre, le constat est le même… Nous pourrissons notre planète ! Nous vicions notre air (nos usines, nos autos, …), Nous exterminons des espèces animales et végétales. Les forêts disparaissent, l’eau n’est plus potable et les catastrophes surviennent.
Je vis sur terre et je vais en mer, et même si je ne connais pas le nom des oiseaux par cur, j’ai pris conscience que nous pouvions faire chacun quelque chose ; apprendre à respecter la nature et s’engager à la défendre, à la sauvegarder. Des petits gestes du quotidien à la portée de tous, de nous tous. Même moi, je peux encore faire des progrès en ce domaine !
Moralité : les êtres humains se sont emparés de la planète et se croient seuls maîtres à bord… Sans les arbres, nous mourons ; sans eau, nous mourons ; sans animaux, nous mourons… Il est temps de réparer les dégâts !
Photos : Bonduelle – Benoît STICHELBAUT
Visitez le site des courses de Jean Le Cam (Vendée Globe, Transat Jacques Vabre)
– AlP –
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