Barcelona World Race: Dissémination artificielle
L’Atlantique Sud est vaste, bien plus que son homologue du Nord ! Et dans cette immensité, la flotte de la Barcelona World Race se disperse de plus en plus au fil de sa descente vers la première porte des glaces. La hiérarchie établie par rapport à ce point de convergence doit donc être pondérée par les choix stratégiques à moyen terme. L’île de Gough sera le juge de paix dès dimanche…
Au regard du classement brut, Il devient de plus en plus difficile d’y voir clair ! En effet, comme les partisans de la voie brésilienne continuent leur descente plein Sud (voire parfois Sud-Sud-Est), ils s’écartent de plus en plus de leurs concurrents, mais aussi de la route directe… Ainsi, Foncia était 550 milles plus à l’Ouest que Estrella Damm et MAPFRE à 250 milles sur le tribord du leader. Quant à Virbac-Paprec 3, il faudra attendre mercredi 15h (heure française) pour connaître sa position puisque Jean-Pierre Dick et Loïck Peyron ont activé le mode « furtif » : pas de données pendant 36h.
Problème trigonométrique
Soit deux voiliers partant d’un point A (l’équateur) pour rejoindre un point B (le cap de Bonne-Espérance) : le premier suit une courbe régulière vers le but tandis que le second prend une route en équerre. Le bateau rouge rallonge la distance à parcourir (3 500 milles environ) de 250 milles, soit 7%. Le bateau arc-en-ciel réalise 700 milles de plus que la plus courte distance, soit 20%. Sachant que le premier progresse à 9 nœuds de moyenne alors que le second avance à 15 nœuds et que ce dernier avait 200 milles de retard, qui sera en tête de la course à l’approche de l’île Gough ? Réponse dès ce week-end…
En fait, au fur et à mesure que Foncia (et probablement Virbac-Paprec 3 dans le même secteur) prolonge son bord plein Sud, il se rapproche de moins en moins du but alors qu’il est plus rapide (290 milles en 24h sur l’eau) que Estrella Damm (220 milles en 24h sur l’eau). Or la voie brésilienne continue encore plein Sud au moins jusqu’à mercredi soir, voire plus : il est probable que même Hugo Boss le devancera au classement d’alors ! Mais dès que Michel Desjoyeaux et François Gabart vont obliquer de 90° pour faire route directe vers la première porte des glaces, tout mille parcouru sera un mille gagné réellement. L’artifice de cette projection virtuelle réside dans cette équation différentielle que le « Professeur » (Cosinus ?) a calculé au plus juste. Cette dissémination atlantique brouille donc les cartes de lecture au moins jusqu’à jeudi. D’ici là, il faut garder à l’esprit que plonger dans les profondeurs du classement n’est pas une angoisse pour les « Brésiliens », tout juste un problème de trigonométrie !
Un trio de duos
Pour Alex Pella et Pepe Ribes, l’ascension des hautes pressions est un sentier plein d’embûches : la première se déroule dès ce mardi midi avec un sérieux ralentissement dans une bulle de vents erratiques qui profite à ses dauphins, Kito de Pavant et Sébastien Audigane : Estrella Damm n’a plus que 95 milles d’avance sur Groupe Bel et même Dominique Wavre et Michèle Paret (Mirabaud) grappillent 50 milles ces dernières 24 heures ! Et derrière, Hugo Boss est le plus grand gagnant de la journée en ramassant 70 milles… De fait, la compression joue par devant au désavantage du leader qui voit cette zone de vents variables laisser place à un flux plus organisé dès demain mercredi : le trio de chasseurs constitué de Neutrogena, Gaes Centros Auditivos et Renault ZE devient de plus en plus pressant et si ces trois équipages sont légèrement décalés les uns par rapport aux autres en longitude, ils convergent et devraient se retrouver au contact justement en approchant du tropique du Capricorne (23°36S).
La journée de mercredi annonce donc plein de surprises : comment va s’extraire le leader Estrella Damm de cette cellule de vents erratiques ? Groupe Bel et Mirabaud vont-ils continuer à revenir sur le premier en bénéficiant d’une configuration météorologique mieux organisée d’ici 12h ? Les trois chasseurs qui naviguent dans un bon flux d’Est vont-ils éviter le ralentissement éphémère en arrivant sur zone avec une journée de décalage ? Et MAPFRE, fort peu rapide ces dernières heures, va-t-il s’engluer dans la voie intermédiaire ? Où sortira de l’ombre du « furtif » Virbac-Paprec 3 à 14h TU ?
Classement du 18 janvier à 15 heures :
- ESTRELLA DAMM Sailing Team à 20693 milles de l’arrivée
- GROUPE BEL à 95 milles du leader
- MIRABAUD à 153 milles
- MAPFRE à 176 milles
- VIRBAC-PAPREC 3 en mode « furtif »
- NEUTROGENA à 253 milles
- GAES CENTROS AUDITIVOS à 260 milles
- RENAULT Z.E à 275 milles
- FONCIA à 336 milles
- HUGO BOSS à 395 milles
- CENTRAL LECHERA ASTURIANA à 421 milles
- WE ARE WATER à 502 milles
- FORUM MARITIM CATALA à 623 milles
ABN PRESIDENT
Ils ont dit :
François Gabart, Foncia : « Nous sommes plutôt contents, même si nous avons forcément un décalage assez important avec les autres bateaux, mais avec les prévisions météo, c’était le choix le plus pertinent selon nous. Ce matin, ça se présente plutôt bien : le vent est meilleur que ce qu’avaient annoncées les prévisions. Le bateau glisse bien et nous sommes contents de ce qu’on fait.
On se rapproche d’un minimum de pression où il y a peu de vent, donc ça va être compliqué en terme de manœuvres, car il va falloir faire des changements de voile. On se prépare à avoir des conditions plus fortes dans les jours qui viennent. Au fur et à mesure, notre route va être plus vers l’Est, notamment en fin de semaine. Mais nous ne regardons pas tellement les classements et notre avancée est plutôt fonctionnelle…
Chaque seconde, je bats mon record de Sud car le plus Sud que j’ai fait dans ma vie, c’était aux Antilles et je pense que je vais battre des records pendant encore un mois et demi.
Les conditions météo étaient plutôt agréables ces jours-ci, nous sommes pieds nus, en shorts, tee-shirts. Quand le vent mollit, il fait vraiment chaud, mais nos voiles sont assez grandes pour nous faire de l’ombre. Nous mangeons à notre faim mais nous n’anticipons pas en vue de passer l’hiver ! Nous sommes obligés d’attendre la nuit pour manger du chocolat, car il fond dans la journée. Le bateau ne bouge pas trop, c’est confortable donc on a pu manger dans des conditions normales comparées à certaines fois où se nourrir relevait de l’exploit. »
Ludovic Aglaor, FMC : « C’est très agréable le long des côtes du Brésil, à moins de 300 milles de Recife.
Nous sommes à la limite de prendre un ris, car nous sommes pile à 90° du vent. Nous avons gardé longtemps une houle de Nord Est qui nous a bien aidées.
Nous n’avons vraiment pas eu de chance, car nous avons eu du mal à traverser le Pot au Noir. À la sortie, assez loin derrière tout le monde, je n’avais pas envie de naviguer derrière We Are Water et Central Lechera. Je voulais passer un peu Ouest pour aller chercher le courant qui pousse pas mal. Maintenant, j’ai un peu peur de me laisser enfermer dans l’anticyclone et je préfère rejoindre les autres par l’Ouest.
Avec Gerard Marin, on fait des quarts de 3h : nous avons le temps de nous reposer avant d’attaquer le Sud. Nous vivons penchés, mais cela ne nuit pas tellement au confort, il faut juste prendre ses marques rapidement.
Je fais des bricoles d’installations pour le Sud. D’ailleurs, j’ai une petite fuite de ballast qu’il va falloir gérer cet après-midi, mais sinon nous n’avons pas de soucis techniques. Il fait très chaud à partir de 10h du matin, mais il y a pas mal de grains : ce n’est pas le ciel bleu, c’est vraiment l’alizé de Sud-Est. Nous profitons des températures tropicales pour nous doucher et nous raser un maximum, car dans le Sud, ça ne sera pas possible : nous essayons de rester dignes jusqu’à une certaine latitude Sud… Après, ça va se gâter.»
Dominique Wavre, Mirabaud : « Ça se passe plutôt bien, on est au près, tranquille. Il fait grand beau, il fait chaud, on se relève à la barre : ça va être une belle journée de navigation.
On sait que la nuit prochaine, nous allons être probablement ralentis, ça va un peu nous rappeler la Méditerranée.
Nous aurons une ou deux journées difficiles pour traverser cette bulle anticyclonique qui est devant nous et on sait que c’est une zone délicate, seules les photos satellites pourront nous aider et encore…
Le bateau est une bouilloire intérieure. Autrement c’est agréable et nous profitons de ces moments-là avec Michèle, car on sait que ça ne va pas durer et que l’on va retrouver le froid.
Concernant le mode furtif, on va y réfléchir avec Michèle, mais on va garder ce joker pour l’instant. Je pense que Virbac-Paprec 3 le fait par rapport à Foncia…
Les conditions sont tellement clémentes que le bateau respire et sourit, il est en pleine forme.
Michèle est bien costaude tout comme moi et nous sommes en meilleure forme qu’au moment du départ.
Le chocolat est un peu fondu, nous avons un jambon corse aussi dans le carré, c’est notre petit plaisir quotidien.»
Crédit Photo: © YZedda
Tags sur NauticNews: Barcelona World Race – Open 60 IMOCA
Plus d’informations: www.barcelonaworldrace.org
– CP –
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