VG2020 : à qui le tour?
Au lendemain de l’arrivée de Jérémie Beyou (13e) et de Romain Attanasio (14e), les prochaines arrivées n’auront pas lieu avant mercredi. Alors qu’une bataille intense oppose cinq skippers (Boissières, Shiraishi, Roura, Le Diraison, Hare), Manuel Cousin, lui, doit faire face à des problèmes de quille. Ils sont encore onze skippers à progresser dans l’Atlantique et à mettre le cap sur les Sables d’Olonne.
La course au large pousse toujours à la modestie, parce qu’on ne peut pas se confronter sans respect et humilité face aux turpitudes d’Éole et de Neptune. « Nous sommes des femmes et des hommes ordinaires qui faisons quelque chose d’extraordinaire », disait hier Romain Attanasio, le dernier skipper à avoir connu les joies des arrivées. Désormais, ils sont encore onze à être en course et treize en comptant Sam Davies et Isabelle Joschke, hors course, qui comptent également rallier la Vendée. État des lieux de la flotte où l’ensemble des marins devrait arriver d’ici la fin du mois de février.
La bataille des cinq
Les prochains à arriver sont lancés depuis plusieurs jours dans un « match race », dixit Alan Roura. Ils sont cinq dans un rayon de moins de 100 milles à batailler à plus de 800 milles des côtes portugaises : Arnaud Boissières (La Mie Câline-Artisans Artipôle, 15e), Kojiro Shiraishi (DMG MORI – Global One, 16e), Alan Roura (La Fabrique, 17e), Stéphane Le Diraison (Time for Oceans, 18e) et Pipe Hare (Medallia, 19e). Et ça avance bien avec des surfs à plus de 20 nœuds dans la matinée ce dimanche pour la plupart dans des conditions musclées. « On sent qu’ils ont envie de rentrer !», s’amuse Christian Dumard, le météorologue du Vendée Globe. Le groupe des cinq progresse dans un flux de Nord-Ouest et se présente à l’avant d’une forte dépression.
Situé à plus de 400 milles de là, Didac Costa (One Planet One Ocean), lui, devrait passer derrière le noyau de la dépression. La vitesse actuelle du groupe pourrait leur permettre d’arriver dès mercredi dans la journée. « On sent quand même que ça devient plus dur et je ne veux pas prendre de risque, confie le leader du groupe, Arnaud Boissières. Je fais gaffe mais je mets le paquet ! On se disait avec Alan (Roura) que ce serait top d’arriver de jour après tout ce qu’on a enduré. En plus, ce serait la Saint-Arnaud ! »
Manuel Cousin : « je suis prêt à me battre »
C’était la mauvaise nouvelle de ce samedi soir. Groupe SETIN a annoncé une avarie de quille à bord de l’IMOCA de Manuel Cousin. La tige du vérin de quille s’est sectionnée, le tout dans une mer formée et des conditions musclées. À bord, Manuel n’a rien lâché. « J’ai passé la nuit à faire de la résine », confie-t-il aux vacations. Et après une nuit de sommeil, retour au boulot. « Je vais faire de la strat’ toute la journée », explique-t-il. Dans ses mots, le skipper se montre extrêmement combatif : « je ne vais rien lâcher. Je ne vais peut-être pas arriver aussi vite que prévu mais je ne lâcherai rien. Je vais vous rejoindre ! » Sa force de motivation, Manuel Cousin la puise aussi dans tous les messages de soutien qu’il a reçu de la part de ses proches, de ses sponsors mais aussi des autres skippers, à l’image d’Arnaud Boissières, Alan Roura, Miranda Merron, Clément Giraud, Sam Davies… Manuel Cousin semble esquisser un sourire : « ça fait chaud au cœur ».
Pipe Hare, un anniversaire en mer
C’est un anniversaire qui restera forcément dans sa mémoire. Pip Hare a 47 ans ce dimanche. Mais ni Éole ni Neptune ne lui a offert de répit. « Les prévisions sont tout simplement terribles. Il y a beaucoup de vent, avec des rafales à 34 nœuds en ce moment, et cela va rester comme ça pendant les quatre prochains jours, écrit-elle. La navigation dans cette zone est très délicate et je suis très attentive au bateau et au skipper, qui ont tous deux 90 jours d’usure ». Mais, fidèle à elle-même, Pip s’accroche et elle a une chanson chaque jour pour se motiver. Ce dimanche, c’était ‘Uprising’ de Muse. Cerise sur le gâteau, l’acteur australien Russell Crowe lui avait souhaité un joyeux anniversaire avec deux jours d’avance sur les réseaux sociaux. « Ça a fait ma semaine », s’amuse la jeune femme.
La situation dans l’Atlantique Sud
Les passionnés qui ont regardé attentivement la cartographie, dimanche matin, ont s’en doute été surpris par la trajectoire d’Ari Huusela (STARK, 25e) qui semblait faire demi-tour et mettre le cap vers Bonne-Espérance. « Le vent tourne plus vite là où il est, explique Christian Dumard, le météorologue du Vendée Globe. Il patientait un peu avant de faire une route plein Nord avec du vent de travers ». Alexia Barrier, (TSE – 4myplanet), décalée à plus de 370 milles au Nord-Ouest, a de son côté fait le choix d’un grand bord pour chercher la bascule.
Elle devrait se caler sur la route d’Isabelle Joschke (MACSF) et de Sam Davies (Initiatives Cœur). Les deux navigatrices, hors course, progressent de leur côté au large de Recife au Brésil.
Ils ont dit
Arnaud Boissières, La Mie Câline-Artisans Artipôle
C’est intense, le vent est rentré hier comme prévu en passant les Açores. J’ai eu quelques petites misères, mon palan de foil bâbord s’est détaché. Il faisait des allers-retours dans le puits de foils. Je suis allé dans le puits de foils, il a fallu raccrocher tout ça, c’était un peu chaud ! Ça devient plus dur, les manœuvres sont plus dures. Mon petit corps semble un peu fatigué. Le match que l’on dispute à cinq se complique avec les conditions météo. Je me rends compte que dans quelques jours, le bateau sera à quai, j’espère en tout cas ! Je devrais arriver pour la Saint-Arnaud ! On s’est dit avec Alan (Roura) et Stéphane (Le Diraison), qu’il fallait qu’on arrive de jour et si possible à marée haute avec du beau temps. On rentre dans le chenal en même temps, mais j’arrive juste devant eux quand même.
Pipe Hare, Medallia
Les prévisions sont tout simplement terribles. Il y a beaucoup de vent, avec des rafales à 34 nœuds en ce moment, et cela va rester comme ça pendant les quatre prochains jours. Le système que nous approchons en ce moment est désordonné avec des zones de brise intense et de nombreux changements de direction de vent qui vont entraîner un état de mer terrible. Nous avons déjà plus de vent que prévu, donc je ne serai pas surprise si nous voyons 50 nœuds dans les deux prochains jours.
Manuel Cousin, Groupe SETIN
Je faisais route au nord, face aux alizés au près. Et puis, en retombant d’une vague, j’ai entendu un énorme crac, un bruit où on se dit tout de suite qu’il s’est passé quelque chose. La tige du vérin s’est cassée nette. Pour bien comprendre, le vérin sert à faire penduler la quille et, en se cassant, la tige a détérioré le système de blocage de la quille. J’ai straté toute la nuit pour renforcer ce système et espérer pouvoir bloquer la quille dans l’axe afin de finir absolument mon Vendée Globe. On mettra la course de côté c’est certain mais la priorité c’est de ramener le bateau. J’ai connu des jours meilleurs mais je ne lâche rien, j’y crois, je fais tout ce que je peux pour réparer.
Miranda Merron, Campagne de France
Le problème de quille de Manu m’a un peu secoué. On n’est jamais à l’abri d’une avarie, et l’arrivée est encore loin. C’est assez angoissant. Ça a l’air très compliqué après les alizés. Vu que les routages divergent pas mal, je vais lire les feuilles de thé dans le fond de ma tasse.
CLASSEMENT à 12h00 Heure Française
(…)
- Arnaud Boissières, La Mie Câline – Artisans Artipôle, à 1 081.69 milles de l’arrivée
- Kojiro Shiraishi, DMG MORI Global One, à 12.09 milles du 15e
- Alan Roura, La Fabrique, à 56.01 milles du 15e
- Stéphane Le Diraison, Time for Oceans, à 60.16 milles du 15e
- Pip Hare, Medallia, à 162.03 milles du 15e
Crédit Photo : R. Marie
Tags sur NauticNews : Vendée Globe, VG2020
– CP –
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