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VG2020 : un pot « ceinture rouge » et un abandon

Ce matin, après des semaines à lutter vaillamment contre des avaries sérieuses, Sébastien Destremau a jeté l’éponge. Le skipper de Merci fait route depuis ce matin vers le port de Dunedin, dans l’île Sud de la Nouvelle-Zélande, ou vers Christchurch, plus facile d’accès et où il trouvera le matériel pour réparer. Devant, c’est l’heure du match retour contre le pot au noir !

C’était trop…

Sébastien Destremau sera allé au bout de son aventure, avec une patience et une opiniâtreté épatantes. Parti en course après avoir obtenu des délais supplémentaires pour mettre son bateau à la jauge, le skipper de Merci a travaillé jusqu’aux dernières heures avant le départ, installant une casquette de carton qui devait le protéger des déferlantes liquides sur son bateau. C’est bien connu, les ennuis volent en escadrille et, pour le coup, c’est une flotte entière qui est passée au-dessus de sa casquette de fortune. Parti avec l’intention d’y aller piano, à la mesure de la préparation imparfaite de son Merci, le Toulonnais n’était pas en mer depuis deux jours qu’il montait déjà au mât. Sur sa route, il aura croisé « des emmerdes de routine » (un lazy jack défaillant, une inondation, une panne d’électronique), des soucis d’hydraulique de quille, d’anémomètre et, dès les mers du sud, des soucis autrement plus préoccupants : son pilote automatique, infernal feuilleton pour un solitaire, puis de nouveau sa quille et ses systèmes de barre, le principal comme le secondaire. Plusieurs fois, le dernier du Vendée Globe 2016-2017 a annoncé son intention de renoncer et, plusieurs fois, il a trouvé les ressources pour repartir. Jusqu’à ce samedi, où Seb Destremau a dressé le constat ce samedi, qu’il ne pouvait plus poursuivre sa route sans se mettre réellement en danger dans les eaux du Pacifique.

Le navigateur-slammeur toulonnais a mis le cap sur la Nouvelle-Zélande depuis ce matin. Avec la direction de course, qui veille à sa mise en sécurité, il oscillait encore entre Dunedin et Christchurch pour refuge. Une dépression velue descend le long de la Nouvelle-Zélande ; il y a urgence à se mettre à l’abri, mais c’est à Christchurch qu’il trouvera le ponton et les chantiers navals adéquats.

Pour deux milles en plus

Au classement de 15 heures, Charlie Dalin (Apivia) comptait 2,1 milles d’avance sur Louis Burton (Bureau Vallée 2) qui accentue sa pression alors que se présente le pot au noir. Décalés en latéral de 35 milles, c’est ce dernier qui est tout à la fois le plus à l’ouest et le plus au nord. Dans la soirée, le duo de tête entrera dans le pot au noir, dans son ouest, ce qui est généralement synonyme d’un moindre mal, mais… « C’est toujours imprévisible avec des changements de vent en force et en direction assez subits, résumait Charlie Dalin. La nuit, il est souvent plus actif que le jour (et les leaders vont y passer de nuit, ndlr) et on verra comment cela se profile. Je dirais (si le pot au noir était un judoka, ndlr) qu’il est ‘ceinture bleue ou rouge’ : ce n’est ni un ‘ceinture noir’ ni un ‘ceinture verte’. Il a un bon niveau intermédiaire. Je suis en train d’ajuster mon positionnement Est / Ouest pour essayer de finaliser ma porte d’entrée. Après, on passera aux choses sérieuses ».

Le duo s’est ménagé un très léger avantage de 41 milles sur Boris Herrmann (Seaexplorer – Yacht Club de Monaco) qui est venu se glisser sous son vent, sans doute pour profiter au mieux des voiles qu’il peut déployer, mais aussi pour viser la zone du pot au noir la moins sujette aux orages, qui se sont amoncelés ces dernières heures. Thomas Ruyant (LinkedOut) se démène pour juguler ses pertes, et il y parvient plutôt bien, avec moins de 90 milles de retard. A 108,9 milles, au classement de 15 heures, Damien Seguin (Groupe Apicil) poursuit sa démonstration pas très loin des côtes de Fernando do Noronha, dans un flux d’Est qui a pris du Sud. 6e, Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) ne creuse plus son déficit, tandis que Giancarlo Pedote (Prysmian Group) est à moins de 200 milles de la tête. Derrière, Benjamin Dutreux (OMIA – Water Family) joue tous les recalages possibles pour rester dans la meute, comme Jean le Cam, 9e à 273 milles de la tête… et qui adore ce qu’il se passe sur l’eau ! « Par rapport à ce qu’on a connu, on ne peut pas se plaindre. La nuit, il y a des étoiles dans le ciel, la mer est plate, le bateau avance bien, il y a des petits grains de temps en temps, mais globalement, c’est parfait. Là ça allume, on marche comme un avion. Ça va peut-être partir un petit peu par devant, mais moins que je pensais. On fait du Nord à fond la caisse ! Normalement, on est beaucoup plus à l’Ouest et, logiquement, le pot-au-noir est plus gentil à l’Ouest qu’à l’Est, mais on verra au fur et à mesure. On est dans la meilleure position qui soit : on est le chasseur. Il y a les ‘exploreurs’ qui sont devant et nous qui pouvons faire nos choix en fonction de ce qu’il se passe devant. On n’a rien à perdre, on a tout à gagner. La situation n’est pas désagréable, j’ai mon petit copain Benjamin (Dutreux) qui est sous le vent, j’aurais fait presque tout le Vendée Globe avec lui. On s’était un petit peu perdu de vue dans le Sud, mais à la descente on était tout le temps ensemble, et pour la remontée, il semble qu’on se rejoigne d’ici peu. Je fais de mon mieux et pour le résultat… on verra à la fin ! »

A 1094 milles de la tête, Armel Tripon (L’Occitane en Provence) aura en effet bien géré l’épisode de haute pression qui menaçait de le déconnecter de la tête de course. Depuis, dans l’alizé un peu plus établi que lorsque les leaders sont passés là, le Nantais cavale. 50 milles dans son Sud, la première femme du Vendée Globe attend sa libération. Clarisse Crémer en aura profité pour se reposer… et prendre un coup de soleil. Jusqu’à Pip Hare, qui arpente les côtes argentines par la face nord, au près, la flotte avance à petit train. A l’avant d’une dépression au sud de l’Argentine, Stéphane le Diraison (Time for Oceans) et Didac Costa (One Planet One Ocean) filent bon train. Il faut bien ça pour échapper à des vents de sud de 33 nœuds dans le dos !

Miranda Merron (Campagne de France) et Clément Giraud (Compagnie du Lit – Jiliti) sont désormais à quelques heures de passer le Cap Horn. Des routages les donnent à la pointe de la Terre de feu vers 10 heures ce dimanche matin. D’ici là, Charlie Dalin et Louis Burton auront peut-être révélé leurs vérités à la sortie du pot au noir. Peut-être que, pour une fois et histoire de varier les plaisirs, les épisodes météo donneront-ils raison à ceux qui sont devant ?

Ils ont dit

Thomas Ruyant, LinkedOut

Je suis concentré sur le moment présent, j’espère faire avancer mon bateau comme je peux. C’est un long bord tribord amures qui est engagé depuis un moment et qui nous emmène jusqu’à la latitude des Açores, dans un très long bord. Ce n’est pas le bon pour moi malheureusement. Le petit bord de foil qui reste se dégrade un peu et fait de la traînée dans l’eau. Cela ne va pas très vite, mais je ne lâche pas, je suis aux écoutes, je tiens la cadence, mais c’est difficile de rivaliser avec les bateaux à 100% comme Boris et Louis ; Charlie a encore son tip. Ce n’est pas une situation très agréable, elle est délicate : je regarde les choses se faire, ; j’essaie de faire une trajectoire correcte et d’avancer avec ce que je peux.

Malgré tout, 88 milles de retard, après 70 jours de mer, ce n’est pas grand-chose, mais on n’est qu’à une dizaine de jours de l’arrivée… c’est quand même un écart. Avant le pot au noir, tout peut se passer. Dans le sens du retour, il est moins compliqué même si les dernières images satellites le montrent actif. J’essaie de me décaler dans l’ouest par rapport aux bateaux, où est le point de passage, j’ai l’impression. Avec un pot au noir devant, non, 88 milles, ce n’est pas grand-chose.

Romain Attanasio, PURE – Best Western

J’ai eu une petite frayeur ce matin. En allumant mon moteur pour recharger les batteries, il s’est ralenti d’un coup. Quand j’ai ouvert la cale, elle était pleine d’eau. Une durite d’échappement s’est cassée. J’ai tout séché et tout remarche. J’ai les mains pleines de cambouis, mais tant que le moteur fonctionne, ça me va ! Hier, j’ai enlevé la polaire pour la première fois et aujourd’hui j’ai enlevé le collant. En deux jours, on est passé de l’hiver à l’été, la vie est beaucoup plus facile. Ce sont les bonnes nouvelles du beau temps. Je pense voir les premiers poissons volants bientôt, ce sera le signe que l’eau est chaude. Mon premier souci est d’avancer et de réussir à quitter cette zone sans vent pour rejoindre les alizés qui seront comme une autoroute vers l’équateur. Après cette zone de molle, c’est du tout droit. Ça ne sera pas très agréable car on sera au reaching donc le bateau sera sous l’eau et, dès qu’on sort, on se fait arroser. Mais on avance tout droit vers le but. Je pense que je serai à l’équateur dans cinq jours !

Giancarlo Pedote, Prysmian Group

Je suis à une centaine de milles des côtes du Brésil : le vent est plutôt coopératif et je viens de regarder des images satellites, et les nuages sont sous mon vent. Je fais route plein Nord (5°) pour un passage vers le 31° Ouest mais je vais affiner car pour moi, la « porte d’entrée » du pot au noir, c’est plutôt entre le 29° et le 32° Ouest. C’est un peu la journée de remise en état, du bateau et du bonhomme. C’est la première journée depuis longtemps où le vent est plus stable, même si j’ai galéré dans une molle en début d’après-midi vendredi : j’étais un peu perdu mais je me suis alors posé et le bateau a décollé de cette zone sans vent. Maintenant, ça marche bien à 17-18 nœuds de moyenne : dès que ça débride un peu, avec les foils, ça va vachement mieux ! La course est ouverte ! Je suis au taquet… C’est le sprint final : il y a encore du grain à moudre. Il y a le choix sur la façon d’aborder le pot au noir ; pour l’instant, ça n’a pas l’air de changer de configuration à un mille près ! Ensuite, ce sera plutôt du J2 que du gennaker : il faut quand même remonter au vent, ce sera du près océanique. Il faut avoir le bon angle parce qu’il y aura une vingtaine de nœuds de brise. Aujourd’hui, c’est la régate : il faut bien régler les voiles, tout en prenant soin du bateau, être attentif à la météo pour bien viser le pot, préparer le bateau pour le pot et les alizés.

CLASSEMENT à 15h00 Heure Française

  1. Charlie Dalin, Apivia, à 3370.4 milles de l’arrivée
  2. Louis Burton, Bureau Vallée 2, à 2.1 milles du leader
  3. Boris Herrmann, SeaExplorer – Yacht Club de Monaco, à 41.5 milles du leader
  4. Thomas Ruyant, LinkedOut, à 88.9 milles du leader
  5. Damien Seguin, Groupe APICIL, à 108,9 milles du leader

Crédit Photo : JL. Carli

Tags sur NauticNews : Vendée GlobeVG2020

– CP –

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