VG2020 : un nouveau départ
Ce mardi 12 janvier, 65 jours après le coup de canon du 8 novembre dernier devant Les Sables d’Olonne, c’est un nouveau départ auquel se livrent les 5 premiers IMOCA. Dalin, Seguin, Bestaven, Ruyant et Burton ne sont séparés que de 25 milles et vont devoir composer avec l’instabilité météorologique jusqu’à Recife, la corne du Brésil, pour enfin cavaler dans des alizés de sud-est stables et vigoureux. En attendant, les skippers s’activent aux réglages, cherchent la bonne risée, observent les grains dans une moiteur étouffante. Du gagne-petit énergivore !
Encore 24h de vent instable
« La route est toute droite vers le nord mais pas claire. Jusqu’à Recife, les alizés de nord-est ne sont pas stables, il y a des bulles avec moins de vent, et des variations en force et en direction. Sur l’eau, il doit y avoir des écarts de pression donc de vitesse entre les bateaux. Pas simple du tout ! » expliquait ce matin Sébastien Josse, consultant météo pour la direction de course du Vendée Globe. La longue course en solitaire prend aujourd’hui un autre visage, celui d’une régate au contact entre 5 IMOCA, si ce n’est 9 en y ajoutant Herrmann, Dutreux, Pedote et Le Cam. « La position de chassé de Yannick n’est vraiment pas facile car il doit la tenir. Le pire c’est qu’on risque de revenir sur tout le monde car la zone de vent faible va s’en aller » confiait le roi Jean à la vacation matinale remonté comme une pendule, teint frais après sa toute première douchette et moral au beau fixe. Les écarts dans ce groupe de tête sont inédits, présage d’arrivées aux Sables d’Olonne en mode rafale. Jean Le Cam soulignait par la même qu’il y a huit ans « Gabart arrivait en Vendée, quand j’étais encore au Cap-Vert en 5e position. » De quoi en effet remettre les choses en perspective ! Et dire que les 9 premiers se tiennent en 127 milles seulement…
Foiler et bateau dérive : même combat dans les petits airs
« J’ai un foil bâbord que je n’arrête pas de rentrer et de sortir en fonction des risées et qui j’espère me servira dans les heures et jours à venir » lançait Yannick Bestaven à la vacation de la mi-journée. Les appendices de Maître CoQ IV sont en effet dans leur intégrité, comme ceux de Bureau Vallée 2, ce qui n’est pas le cas de LinkedOut ni d’Apivia. A moins que Charlie Dalin ne ressorte l’arme fatale le temps de quelques heures pour reprendre au bon moment l’avantage ? Ce sera bien difficile de le savoir sauf à regarder les vitesses sur la cartographie. Toujours est-il que si dans les alizés puissants, l’avantage des ailes porteuses est indéniable, en-dessous de 15 nœuds de vent, le différentiel est minime. Les bateaux à dérive vont donc jouer cartes sur tables jusqu’à Récife…
Naviguer souple et faire le dos rond
La flotte s’étire sur moins de 7 000 milles ce mardi, et désormais 17 IMOCA naviguent en Atlantique Sud depuis que Pip Hare a doublé le Cap Horn la nuit dernière. Deux concurrents se font encore secouer : Romain Attanasio au large de Montevideo et Alexia Barrier à 800 milles dans l’ouest du point Nemo. Des conditions toniques sur mer chaotique pour Romain qui n’en a que pour quelques heures encore, du vent fort et des vagues de plus de 6 mètres pour Alexia qui mange son pain noir depuis plus de 24h au milieu d’une dépression en provenance de l’Antarctique. Du côté du Cap Horn, les prochains à prendre la porte de l’Atlantique seront Stéphane Le Diraison et l’Espagnol Didac Costa. Les deux hommes crieront un bon coup pour fêter leur victoire sur un Pacifique rude demain midi !
Objectif terre pour Isabelle Joschke
Après son abandon du Vendée Globe survenu samedi à l’Est des Iles Malouines au large de l’Argentine, et l’abattement bien compréhensible qui en a découlé, Isabelle Joschke et le team MACSF se sont très vite remobilisés. Dans les heures qui ont suivi, une course contre la montre s’est engagée pour assurer la sécurité de la navigatrice obligée de poursuivre sa route dans des conditions de mer très difficiles (5 à 6 mètres de houle, plus de 40 nœuds de vent). Isabelle Joschke est donc contrainte de naviguer autrement sur son IMOCA qui ne réagit plus de la même manière. L’équipe technique est intervenue pour l’aider à choisir la meilleure route à suivre et déterminer les vitesses les mieux adaptées. Elle bénéficie également de l’aide précieuse de Christian Dumard, consultant météo auprès de la direction de course du Vendée Globe. « Isabelle va désormais devoir se montrer patiente. Elle traverse en ce moment une zone sans vent. Elle devrait accoster au Brésil plus certainement qu’en Afrique du Sud, même si aujourd’hui la question n’est pas complètement tranchée. Cependant la pointe du continent africain paraît loin et comporte des risques. Le port pourrait être Itajai, Rio de Janeiro ou Salvador de Bahia. L’objectif est qu’elle gagne le nord le plus vite possible pour trouver un flux d’alizés d’Est qui circulent sur la latitude 25-26 Sud. On est en train de mettre en place des solutions d’arrivée pour avoir une équipe prête à l’accueillir » explique Alain Gautier, team Manager du projet MASCF.
Ils ont dit
Yannick Bestaven, Maître CoQ IV
On est dans la molle, je commence à être un petit peu plus entraîné que les autres car ça fait deux jours que j’y suis. Il faut faire avec. C’est la dure loi de la régate. Je savais qu’il y avait cet anticyclone de Sainte-Hélène qui se coupait en deux avant de regrossir sur nous, il n’y a pas de surprise. On n’est vraiment pas verni par les conditions météo depuis le début et ce n’est pas à cette vitesse là qu’on va battre des records. Toute la journée d’aujourd’hui va être compliquée, à l’Est comme à l’Ouest. Je pensais au début qu’en étant plus à l’Ouest je sortirais peut-être le premier, mais je ne peux pas dire, d’un fichier à l’autre ça change dans tous les sens. Je suis là où j’ai pu aller avec le vent que j’avais dans la molle. Je fais du « gagne petit » en essayant de me rapprocher de la route directe. On reprendra la course quand on aura des vents plus établis.
Charlie Dalin, Apivia
Ce front froid semi-permanent est un phénomène météo qui est presque toujours présent dans cette zone. Il débute à Cabo Frio et s’étend vers le Sud-Est. Cette zone de transition a joué le premier rôle ces derniers jours. Yannick (Bestaven) y est rentré le premier, il a buté dedans un peu plus tôt, tandis que nous bénéficions d’un vent plus soutenu à l’arrière, qui nous a permis de remonter à vive allure sur lui. Le 2e phénomène qui est entré en jeu (dans la redistribution des rôles), c’est que, étant décalé vers l’Ouest, Yannick est dans un angle de vent moyen un peu moins favorable, avec du vent presque de Nord. Hier et avant-hier, je vivais des passages à 24 nœuds de moyenne tandis qu’il avançait à 5 nœuds. Forcément, la marge se réduit à vitesse grand V.
Rien n’est encore joué, le vent n’est pas établi dans la zone dans laquelle je navigue. Je vois encore 24 heures de vents instables en force et en direction. Tant qu’on n’aura pas récupéré du vent plus constant, il se passera encore des choses. Au classement de 5 heures mercredi, on saura qui a le mieux travaillé.
Jean Le Cam, Yes We Cam!
J’ai dû rester 45 minutes en haut du mât hier. J’ai des bleus partout parce que tu dois serrer très fort le mât pour ne pas donner de l’inertie dans le clapot. Je ne sais pas comment les marins peuvent monter au mât avec plus de mer, c’est de la folie. Je vais devoir remonter pour renvoyer mon J2 quand il sera sorti de l’atelier voilerie. La position de chassé de Yannick n’est vraiment pas facile car il doit la tenir. Le pire c’est qu’on risque de revenir sur tout le monde et la pétole va s’en aller. Je n’ai pas eu beaucoup de chance dans ma vie, mais si cela pouvait se faire, et c’est probable, ça serait pas mal. On verra bien. Quand François Gabart avait gagné en 2013, j’étais 5e et j’étais au Cap-Vert quand lui était aux Sables d’Olonne. Normalement les premiers s’en vont. Cette année, ça revient par derrière. Après cette pétole-là, ce sera vent de travers, alizés, un petit Pot au Noir, donc ça devrait filer. Il va falloir matosser à fond et roule ma poule !
Sébastien Destremau, merci
J’ai eu une longue série d’ennuis, avec la barre, le pilote, mais tout était lié, je n’arrivais juste pas à régler tout ça. Maintenant, c’est un nouveau souci, le bout-dehors qui est craqué, c’est entièrement de ma faute. Les ennuis que j’ai sont souvent à cause d’une erreur de ma part. Pour le pilote automatique, j’avais cramé une carte électronique en faisant une vraie bêtise et ça m’a coûté très cher en termes d’ennuis. Là, je voyais depuis longtemps que la sous-barbe, c’est-à-dire le câble qui tient le bout dehors, était un peu molle. J’avais pour projet de la retendre, pour cela il faut arrêter le bateau, or j’étais occupé avec les soucis de pilote et j’ai repoussé ça. Il ne faut pas repousser les choses sur le Vendée Globe. Quand quelque chose ne va pas, il faut faire l’effort de le faire. La preuve, avec cette sous-barbe, j’ai cassé le bout-dehors. Le bateau est bien, mais il manque de préparation et de navigation. On a fait ce qu’on a pu. Donc, c’est de ma faute et je m’en mords les doigts aujourd’hui. Le Vendée Globe est intraitable, tant pis pour moi.
CLASSEMENT à 15h00 Heure Française
- Charlie Dalin, Apivia, à 4 611.85 milles de l’arrivée
- Yannick Bestaven, Maître CoQ IV, à 4.32 milles du leader
- Damien Seguin, Groupe APICIL, à 19.3 milles du leader
- Thomas Ruyant, LinkedOut, à 19.52 milles du leader
- Louis Burton, Bureau Vallée 2, à 25.76 milles du leader
Crédit Photo : C.Dalin
Tags sur NauticNews : Vendée Globe, VG2020
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