Brest Atlantiques – L’analyse de Sébastien Josse : « Vers une traversée Rio-Le Cap au près »
Depuis mardi matin, 9h18, le Maxi Edmond de Rothschild est à Salvador de Bahia où l’équipe technique du Gitana Team s’affaire pour réparer la dérive centrale. Le trimaran MACIF a pris les commandes de « Brest Atlantiques », mais va devoir à son tour faire une escale technique mercredi à Rio de Janeiro pour remplacer son safran de coque centrale (prêté par le Team Banque Populaire). Sodebo Ultim 3 devrait en profiter pour s’installer aux commandes de la course devant Actual Leader. Tous les mardis, Sébastien Josse, consultant pour la direction de course, revient sur la semaine écoulée de « Brest Atlantiques ».
Evoquons d’abord le départ de « Brest Atlantiques » et cette descente dans le Golfe de Gascogne, comment s’est-elle passée pour les quatre trimarans ?
Ils ont tous navigué en bon marin, en partant avec un ou deux ris et sans voile d’avant ; ils n’avaient pas trop le choix. Ils savaient qu’il y avait six heures un peu délicates dans des conditions musclées. La différence avec la Route du Rhum l’année dernière, c’est que c’était plus ouvert, VMG, donc moins sollicitant pour les bateaux. Ils sont partis quand même assez vite, à 28 nœuds de moyenne. Ils se sont tous un peu observés, et au bout de quatre-cinq heures, le trimaran MACIF a déroulé sa voile d’avant et a tout de suite gagné 4-5 nœuds. Le Maxi Edmond de Rothschild a embrayé. Ce sont tous des compétiteurs : quand François (Gabart) a dégainé, Franck (Cammas), ça l’a tout de suite titillé.
Par la suite, il y a eu des choix de route différents, pourquoi selon toi ?
Oui, le Maxi Edmond de Rothschild et Actual Leader sont passés sous le DST, ce n’était pas forcément le routage. La route optimum était davantage celle suivie par MACIF à l’ouest. Je pense que cette trajectoire à l’intérieur était liée à des histoires d’angle à la mer, c’était une route un peu plus sage. Après, c’est toujours difficile, quand tu es sous le vent d’un bateau, de lofer, parce que tu sais que tu vas passer derrière.
Après, il y a eu bataille d’empannages…
Oui, avec des vents beaucoup plus irréguliers que ne le donnaient les fichiers. Notamment, quand on fait une « aile de mouette » pour faire le tour de l’anticyclone, c’est plus stable. Le Maxi Edmond de Rothschild a empanné le premier, ils font ensuite deux autres empannages. Je pense qu’ils ont essayé d’échapper à un grain sous lequel ils étaient collés, ils voulaient sans doute aussi éviter de se rapprocher de l’anticyclone, parce que le bateau est plus lourd. Là encore, les routages donnaient plus la route à l’ouest, mais le Maxi Edmond de Rothschild a croisé devant, parce que le bateau est le plus rapide de la flotte. Il a cet avantage d’en avoir sous la pédale, ils sont toujours un peu plus vite, un peu plus bas. On l’avait déjà vu sur la Route du Rhum et aux entraînements cette année. Ce qui est normal, car même si MACIF a été modifié pour être plus volant, Gitana 17 est un bateau plus récent et plus grand, le trimaran MACIF fait 2 mètres de moins (30 mètres contre 32).
Comment s’est passée la traversée de Pot-au-noir ?
Je pense qu’ils ont tous bien regardé ce qu’il s’était passé sur la Transat Jacques Vabre. Vu que ça passait assez dans son est, c’est toujours mieux d’avoir des repères devant. Le Maxi Edmond de Rothschild s’en est bien sorti. Je pense que dans les zones de molle, l’avarie de safran de MACIF a été pénalisante : à haute vitesse, au-delà de 25 nœuds, c’est un plus de ne pas avoir de safran central, parce que ça fait moins de traînée. En revanche, à basse vitesse, dans moins de 15 nœuds, le bateau devient difficile à tenir, ils en ont peut-être même parfois perdu le contrôle et fait quelques 360. Du coup, pour avoir toujours le contrôle du bateau, tu bordes moins les voiles c’est compliqué comme conduite ; mais François excelle dans le domaine. Il a quand même fait une Route du Rhum l’an dernier avec un tiers de ses appendices en moins !
Penses-tu que le Maxi Edmond de Rothschild a été de son côté pénalisé par son avarie de dérive ?
Oui, je pense qu’entre le Pot-au-noir et Bahia, ils auraient dû approcher en mode volant des 35 nœuds de moyenne, voire au-delà, alors qu’ils sont rarement passés au-dessus des 30 nœuds.
Les deux escales techniques du Maxi Edmond de Rothschild à Bahia et du trimaran MACIF à Rio vont-elles générer de l’écart en faveur de Sodebo Ultim 3 et Actual ?
Ça dépend évidemment du temps des escales ; mais oui, forcément. Quand tu t’arrêtes, vu que ces bateaux avancent à plus de 25 nœuds minimum, ça permet à ceux de derrière de vite revenir. Donc Sodebo va prendre la tête, ça peut s’ouvrir pour lui s’il n’a pas d’avarie et qu’il ne s’arrête pas. On sait que cette course va être pleine de rebondissements avec ces arrêts au stand qui font complètement partie du jeu.
Comment juges-tu le parcours jusqu’ici de Sodebo Ultim 3 et Actual Leader ?
Actual Leader, on le savait, a un déficit de vitesse par rapport aux autres, ce qui lui a porté préjudice sur le début de la course, parce qu’il n’avait pas les mêmes angles de descente, il était plus au portant que les autres qui marchaient plus au travers. Après, vu la suite du programme dans l’Atlantique Sud, ça va être différent. Il va sans doute y avoir un resserrement en sa faveur. Et de toute façon, il peut prétendre comme les autres au podium voire à la victoire. S’il ne s’arrête jamais et que tous les autres font une escale, il peut gagner ! Quant à Sodebo Ultim 3, on voit qu’il va un peu moins vite que le Maxi Edmond de Rothschild et le trimaran MACIF à certaines allures. Cela est lié au fait qu’il n’a pas de plan porteur sur la dérive, mais c’est un choix assumé. Je me souviens avoir entendu Thomas dire, il y a deux ans, qu’il avait conçu ce bateau pour le tour du monde en solitaire prévu, initialement, à la fin de cette année et que dans cette optique, il ne voulait pas avoir trop d’artifices, estimant que la fiabilité était primordiale. Pour l’instant, ça lui donne raison, puisqu’il va prendre la tête.
Parlons de la suite du programme : comment se présente la route vers Le Cap dans l’Atlantique Sud ?
Compliquée ! Pour l’instant, la route est bloquée par l’anticyclone de Sainte-Hélène qui est très Sud. S’engager au sud, comme on le fait traditionnellement, paraît difficile, tu te retrouves bloqué à la fois par l’anticyclone et par la limite des glaces qui est assez nord. L’option semble donc de passer au nord de l’anticyclone avec du près pendant un bout de temps. Pour l’instant, cette étape du sud entre Rio et Le Cap, s’annonce avec du vent de face.
Et le près, ce n’est pas très agréable…
Pas forcément. Aujourd’hui, sur ces bateaux en mode vol, tu peux avancer à 28-30 nœuds au près au large. Ils sont montés sur amortisseur, donc niveau confort, ça n’est pas si désagréable, ça navigue très à plat. Ça sera en revanche moins confortable pour Actual Leader qui ne vole pas comme les autres. Sinon, l’inconvénient du près, c’est que ça sollicite un peu plus le bateau.
Crédit Photo : Maxime Horlaville / polaRYSE / GITANA SA
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– CP –
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