Route du Rhum-Destination Guadeloupe : l’analyse de Nicolas Lunven
Alex Thomson continue à creuser l’écart dans les alizés.Désormais à moins de 1000 milles de l’arrivée à Pointe-à-Pitre, le skipper britanniquesemble en très bonne posture, même si Paul Meilhat, Vincent Riou et Yann Eliès resteront jusqu’au bout des menaces sérieuses, tandis que Boris Herrmann se poste en embuscade.
Le premier concurrent de la classe IMOCA est attendu en Guadeloupe dans la nuit de jeudi à vendredi (heure française). Plus de 700 milles derrière le leader, on suit avec attention la jolie bagarre entre les trois plans Finot-Conq de Stéphane Le Diraison, Alan Roura et Damien Seguin.
Notre expert du jour, Nicolas Lunven, nous livre son analyse sur la passionnante Route du Rhum en IMOCA.
« Je suis surpris de l’avance dont dispose désormais Alex Thomson. Hier midi, il avait 105 milles d’avance sur le deuxième. Aujourd’hui à la même heure, il en a plus de 180 ! En fait, Paul Meilhat, Yann Eliès et Vincent Riou ont dû faire des empannages, tirer des bords sous spi, alors qu’Alex a pu continuer tout droit. Il va vite, il accentue son avance et se place stratégiquement entre l’arrivée et ses concurrents. Il commence à avoir une position confortable.
« Alex Thomson fait la course parfaite »
Dès le début, Alex Thomson est parti sur une route offensive, sans compromis. Il a la réputation d’être à l’attaque et de ne pas ménager sa monture, ce qui se confirme sur cette Route du Rhum. A priori Alex dispose encore d’un IMOCA au plein de son potentiel ou presque. Ce n’est pas une surprise de le retrouver là. C’est un très bon marin, il a un super bateau, avec lequel il a terminé 2edu Vendée Globe. Pour le moment, Alex fait la course parfaite et on peut lui faire confiance pour attaquer jusqu’au bout.
Jusqu’à présent, les concurrents de tête ont beaucoup subi les grains qui peuvent modifier le vent de manière considérable et sur de longues périodes. D’après les fichiers de vent et les images satellites, ils devraient entrer dans une zone un peu plus « sèche », avec moins d’activités nuageuses et sans doute un vent plus stable, même s’il y aura des toujours des éléments perturbateurs. A priori, Alex devrait avoir des conditions similaires à celles de ses poursuivants, ce qui est une bonne nouvelle pour lui.
« Meilhat, Riou, Eliès : trois concepts de bateaux différents, des écarts faibles »
Paul Meilhat navigue super bien,comme quoi les bateaux à dérives droites ne sont pas totalement à la retraite ! Je pense qu’il cravache beaucoup, on le ressent dans ses vidéos et ses vacations. Vincent Riou a eu un petit coup de mou depuis le milieu de la semaine dernière. Il a ensuite semblé bien repartir, mais il n’arrive pas à être plus rapide que Paul dans des conditions qui devraient pourtant le lui permettre. Yann Eliès est bien revenu dans le match. En se positionnant plus au Sud quand il a attaqué les alizés, il a dû toucher davantage de vent. C’est intéressant car ces marins naviguent sur trois concepts de bateaux différents, et pourtant les écarts sont faibles. Ils font une super bagarre. Chacun doit subir des aléas techniques qu’on ignore aujourd’hui mais qu’on apprendra à l’arrivée. On pourra alors refaire le film de la course et mieux comprendre ce qu’il s’est passé.
« Un final en mode régate côtière ! »
En fin de course, il y a cette histoire detour de la Guadeloupe qui peut redistribuer les cartes, comme on l’a vu avec les Ultimes. Si Alex Thomson arrive à maintenir son avance actuelle, il pourra faire le tour sereinement. Derrière, il est probable que Paul, Vincent et Yann continuent à se battre comme ça jusqu’au Nord de l’île. Le final pour le podium, le long de la Guadeloupe, se fera alors en mode régate côtière !
Attention à Boris Herrmann qui reste en embuscade. Les quatre dedevant ne doivent pas faire de bêtises. Boris fait une jolie performance pour sa première course en solo en IMOCA. C’est tout à son honneur de pouvoir rivaliser juste derrière le groupe de tête.
« Un coup de cœur pour Damien Seguin »
Je suis très agréablement surpris par Damien Seguin, c’est mon coup de cœur. Il ne faut pas oublier qu’il n’a qu’une seule main et il se bat de manière plus qu’honorable face à Stéphane Le Diraison et Alan Roura, des concurrents qui naviguent sur des IMOCA avec des potentiels proches. Ils se font une belle petite bagarre eux aussi. Quand on voit la difficulté de gérer un IMOCA en solitaire, je suis bluffé par Damien qui arrive à le faire très bien malgré son handicap. Je lui tire mon chapeau. Il a déjà prouvé en Class40 qu’il est un très bon coureur au large. En IMOCA, il faudra le surveiller de près à l’avenir.
Je suis un peu surpris qu’avec son bateau désormais doté de foils Arnaud Boissières ne se batte pas avec les trois concurrents positionnés devant lui. Il a peut-être des petits soucis techniques. Je connais un peu Erik Nigon, nous avons fait du Figaro ensemble. Il fait une belle Route du Rhum. C’est très ambitieux de naviguer en IMOCA quand on n’est pas professionnel.
Quatre concurrents sont repartis hier et naviguent dans le Golfe de Gascogne. Je ne sais pas s’ils se sont mis d’accord mais ce n’est pas bête de repartir à peu près en même temps. Cela permet de se tirer la bourre et d’avoir une motivation. Sachant qu’il y a de toute façon des enjeux de qualification au Vendée Globe, d’entraînement, de progression et de préparation de bateau. »
Extrait de palmarès de Nicolas Lunven :
– Double vainqueur de la Solitaire du Figaro (en 2009 et 2017)
– Champion de France de Course au Large en Solitaire 2017
– 3e de la Solitaire du Figaro en 2012 et 2016
– 2e de la Transat AG2R La Mondiale 2016 (avec Gildas Mahé)
– 3e de la Rolex Fastnet Race 2015 sur l’IMOCA Safran (avec Morgan Lagravière)
– Participation à la Transat Jacques Vabre 2015 sur l’IMOCA Safran (avec Morgan Lagravière)
– Participation à la Volvo Ocean Race 2017-2018
Crédit Photo : B.Stichelbaut
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– N.Lunven –
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