Trophée Jules Verne : édition 2015 bouclée!
Spindrift 2 skippé par Yann Guichard boucle son premier Trophée Jules Verne en réalisant le deuxième temps de l’histoire de cette course et Dona Bertarelli devient la navigatrice la plus rapide autour du monde.
L’équipage a franchi la ligne d’arrivée du Trophée Jules Verne à Ouessant ce vendredi à 16h 01’ (heure française), après 47 jours 10 heures 59 minutes 02 secondes. Après près de 29 000 milles parcourus (près de 54 000 kilomètres) à une moyenne de 25,35 nœuds sur l’eau, Spindrift 2 boucle ainsi son premier tour du monde en accrochant le deuxième meilleur temps de l’histoire. L’équipage mené par Yann Guichard n’a pas battu cette fois-ci le chrono de Loïck Peyron (retard de 1j 21h 16’ 09’’) dont le record de 45 jours 13 heures 42 minutes reste à prendre… En revanche, il a été plus rapide que celui de Franck Cammas en 2010 avec 20 heures 45 minutes 50 secondes de mieux sur ce parcours toujours aussi exigeant. Durant son périple à haute vitesse, le trimaran noir et or a également amélioré trois temps de référence (Ouessant-équateur, Ouessant-Tasmanie, Ouessant-cap Horn) et détenu quelques heures durant, le record de la traversée de l’océan Indien. Seule femme avec treize hommes sur cette tentative et première à terminer un Trophée Jules Verne, Dona Bertarelli est désormais la navigatrice la plus rapide autour du monde à la voile.
L’équipage fait route vers son port d’attache et sa base de La Trinité-sur-Mer qu’il devrait atteindre vers 22 heures (heure française) ce vendredi soir, où le public et notamment les scolaires qui ont partagé l’aventure ainsi que les familles, partenaires, amis, supporters et membres du team de cette jeune écurie Spindrift racing, qui ont préparé sur le port un accueil chaleureux. Après l’arrivée du trimaran, les marins partageront avec plaisir un verre et des huîtres avec le public.
Parties dans la nuit noire le 22 novembre 2015, c’est donc ce 8 janvier 2016 dans l’après-midi, juste avant le coucher du soleil, que les trois étraves de Spindrift 2 ont émergé de la grande houle atlantique avec à son bord Dona Bertarelli, Yann Guichard, Sébastien Audigane, Antoine Carraz, Thierry Duprey du Vorsent, Christophe Espagnon, Jacques Guichard, Erwan Israël, Loïc Le Mignon, Sébastien Marsset, François Morvan, Xavier Revil, Yann Riou et Thomas Rouxel.
Yann Guichard, skipper : « Le passage au Sud du cap de Bonne-Espérance a été un des moments parmi les plus importants pour moi, mais là, cette arrivée devant Ouessant, c’est aussi un soulagement. Pas une délivrance parce que je n’ai pas été prisonnier et j’ai pris beaucoup de plaisir sur ce tour du monde, mais il est temps que je fasse une petite pause. Bien sûr, il y a eu un peu de stress, mais c’est aussi mon rôle de l’assumer.
Ce Trophée Jules Verne, c’est la série des premières pour moi ! Autour du monde, au passage des trois caps, avec autant de jours au compteur… Et j’ai vraiment envie d’y retourner. Le bateau est parfaitement adapté à ce programme : il faudra juste que la météo soit avec nous. Et puis les mers du Sud, c’est magique ! Même si l’Indien a été plutôt gris. Et dans le Pacifique, nous avons eu le droit à des lumières sublimes quand nous sommes descendus presque jusqu’au 60° Sud… Mais je retiendrai plus tous ces oiseaux, albatros, pétrels, fulmars, damiers du Cap qui nous suivaient en permanence !
Ma plus grosse angoisse, c’est lorsque nous avons touché un objet non identifié avec le foil : j’ai cru qu’on allait devoir abandonner. Je suis content qu’on en finisse parce que depuis le cap Horn, et au-delà du record, cette remontée de l’Atlantique a été sévère pour le bateau comme pour l’équipage. »
Dona Bertarelli, barreur-régleur : « Cette remontée de l’Atlantique a été longue, laborieuse, et j’avais l’impression que le temps n’avançait plus ! Heureusement hier, on sentait l’arrivée depuis que nous avons passé la barrière symbolique des 500 milles de Ouessant : c’était un moment émouvant et je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit parce que l’émotion était palpable et l’adrénaline aussi. Boucler ce tour du monde m’a permis d’atteindre les objectifs que je m’étais fixés personnellement même si nous n’avons pas pu battre le record du Trophée Jules Verne. Je n’ai pas de regrets parce que l’essentiel était de revenir à Ouessant le plus vite possible et nous avons tout fait pour cela.
J’ai très bien vécu ce voyage car on se connaît tous très bien et chacun a respecté le caractère des autres. C’était très agréable parce que c’est une équipe de véritables amis. Mais cela tient aussi au fait d’avoir pu, d’une certaine manière, exorciser mes appréhensions, mes craintes de plonger dans le Grand Sud ou d’être loin de tout. Au travers de mes écrits, des articles destinés aux classes de France et de Suisse, en continuant à communiquer avec la terre et à échanger, je ne me suis jamais sentie isolée, seule dans cette aventure. »
Une première ensemble
L’équipage a su maîtriser un voyage au bout de la mer pendant plus d’un mois et demi accumulant l’incroyable expérience d’un tour du monde. Reste que les optimisations effectuées l’hiver précédent ont porté leurs fruits : avec son gréement légèrement plus court mais nettement plus léger et aérodynamiquement plus efficace, Spindrift 2 a gagné en sécurité dans la brise et en aisance dans les vents modérés sans perdre, pour autant, ses qualités dans les petits airs. Mais les trois fronts orageux et dorsales qui ont parsemé l’Atlantique Sud au large du Brésil, l’océan Indien après les Kerguelen et le Pacifique avant le cap Horn, ont eu raison des efforts et de la persévérance de l’équipage. Sans compter une remontée de l’Atlantique laborieuse pour cause de vents contraires à la latitude de l’Argentine et de l’Uruguay, puis d’un anticyclone des Açores peu coopératif entre les Canaries et la Floride. Toute l’équipe de Spindrift racing peut être fière du chemin parcouru et d’avoir réussi le challenge d’aller au bout du périple malgré les quelques avatars qui ont parsemé le chemin : partie basse du foil bâbord cassée suite à un choc avec un OFNI, contact qui a aussi entraîné une fissure dans le flotteur bâbord qui aurait pu coûter la tentative dès l’océan Indien ; faiblesse du mât (réparé en mer) au large de l’Uruguay.
Temps de référence
Les quatorze marins auront glané trois temps de référence sur ce tour du monde ! Le premier en atteignant au départ de Ouessant la ligne équatoriale en 4 jours 21 heures 29 minutes, soit une moyenne hallucinante de 30,33 nœuds sur l’orthodromie (route la plus courte). Le deuxième entre Ouessant et le Sud de la Tasmanie symbolisant l’entrée dans l’océan Pacifique, en 20 jours 04 heures 37 minutes. Au passage, Spindrift 2 s’adjugeait éphémèrement le record de la traversée de l’océan Indien en 8 jours 04 heures 35 minutes, battu quelques heures plus tard par l’équipage d’IDEC Sport, parti aussi de Ouessant le 22 novembre. Enfin troisième temps de référence : Ouessant-cap Horn en 30 jours 04 heures 07 minutes, avec dix-huit heures et onze minutes d’avance sur le temps de Banque Populaire V.
Le temps au féminin
Ce tour du monde se conclut aussi par la consécration de Dona Bertarelli comme la première navigatrice à terminer un Trophée Jules Verne et la femme la plus rapide autour du globe à la voile ! Pendant ses quarts de stand-by, elle s’est également penchée sur l’environnement océanique d’un tour du monde pour partager ses émotions, ses découvertes, son journal de bord et échanger notamment avec les 2 000 élèves des écoles partenaires du programme Spindrift for Schools, en France et en Suisse, afin de leur faire mieux connaître ces zones maritimes ainsi que les espèces, souvent menacées qui y vivent.
Le partage du temps
Et les milles parcourus sur les trois océans auront aussi engrangé bien des richesses personnelles. Un tour du monde n’est pas un périple innocent : subir les froidures australes, encaisser les chaleurs torrides équatoriales, affronter les embruns glacés qui frappent les visages à plus de 60 km/h, enchaîner les manœuvres dans les souffles évanescents et volages, s’inquiéter à l’approche des glaces dérivantes, vivre en huis clos à quatorze dans 20 mètres cubes…
IDEC SPORT a, quant à lui, franchi la ligne d’arrivée à Ouessant ce vendredi 8 janvier 2016 à 16h50 TU, soit 17h50 heure française. Francis Joyon et ses cinq hommes d’équipage ont mis 47 jours 14 heures et 47 minutes pour faire le tour de la planète à la voile. C’est le troisième meilleur temps de l’histoire du Trophée Jules Verne.
Le jour tombe sur le phare du Créac’h et c’est la belle lumière du ciel de traîne ouessantin qui accueille les six hommes d’équipage d’IDEC SPORT. Francis Joyon, Alex Pella, Clément Surtel, Boris Herrmann, Gwénolé Gahinet et Bernard Stamm peuvent se tomber dans les bras, se claquer les pognes et sourire à la belle nuit qui les attend tout à l’heure, sur les quais de Brest. Certes ils n’ont pas battu le record du Trophée Jules Verne. Mais ils viennent d’une part de signer la troisième meilleure performance de tous les temps sur une circumnavigation. Ils améliorent d’autre part le record du bateau de 17 heures, à six marins seulement alors que Franck Cammas avait avec lui 9 hommes d’équipage quand il avait conquis le Trophée Jules Verne en 2010.
Ils ont surtout signé une remarquable aventure humaine. Marquée par de grands moments comme ce sprint record vers l’équateur dans le gros temps et en un seul empannage pour entamer l’aventure. Par ce record absolu de l’océan Indien avalé en plongeant très sud au milieu des glaces, bateau et marins gelés. Ils ont galéré ensemble aussi dans un Pacifique qui l’était un peu trop ou au passage d’un Horn curieusement paisible. Ils ont admiré de concert cet incroyable iceberg géant au beau milieu de l’Atlantique Sud. Ils ont frôlé la limite dans des surfs sauvages à 45 nœuds. Ils ont navigué vite. Très vite. Ils se sont « bien marrés ». Ils se sont découverts et ont su partager leurs rêves avec nous autres, les terriens ordinaires. Ils ont pris du plaisir et en ont donné. Tout à l’heure, on les accueillera à bras ouverts dans le port de Brest, pour les remercier de tout ça. Mais laissons les en parler eux-mêmes…
Francis Joyon : « Un sentiment très positif»
« Il y en a eu beaucoup, des grands moments ! Je retiendrai un grand classique : le passage au cap Horn dans des conditions de mer très agréables et une lumière extraordinaire. Mais l’essentiel c’est le plaisir en équipage ! On a vraiment bien fonctionné ensemble, on s’est bien entendus. Nous étions assez complémentaires : nous étions plusieurs navigateurs solitaires embarqués ensemble sur un bateau d’équipage et ça a fait un bon mélange. On s’est donnés énormément sur le bateau, encore la nuit dernière, où il y a eu des grains à 48 noeuds. J’ai la voix un peu fatiguée mais c’est vrai que la nuit a été sans aucun repos à manœuvrer sans cesse dans des grains, à se bagarrer… mais on faisait tout avec bonne humeur, avec plaisir ! Un moment cette nuit, Bernard a été projeté violement à travers le bateau, c’était vraiment brutal… Repartir ? Si on pouvait refaire une navigation en équipage avec ce bateau ce serait volontiers ensemble, oui ! On est tous sur un sentiment très positif par rapport à ça ! »
Bernard Stamm : « un surf à 45 nœuds»
« Si je devais isoler un seul souvenir, ce serait un surf à 45 nœuds ! Je ne sais plus exactement où c’était, dans l’océan Indien je pense. J’étais à la barre… Le bateau est tout de même assez éprouvant entre 35 et 40 nœuds, mais quand tu restes de longs moments au-dessus de 40 nœuds c’est… et bien c’est mémorable ! »
Gwénolé Gahinet : « la plongée dans l’Indien et l’aventure humaine»
« Un souvenir fort c’est la première descente dans le Grand Sud, au sud des Kerguelen, puis de l’île Heard. On a été obligés de plonger très, très Sud pour faire cette trajectoire qui mène au record de l’océan Indien. C’était une entrée en matière assez dure, on a plongé jusqu’à quasiment 60 degrés Sud, dans de l’eau à 2 degrés. ET tu fonces même la nuit à 35 nœuds en te méfiant des icebergs… c’était assez fort et engagé, le froid était vraiment, vraiment dur. Une nuit, le bateau a carrément gelé ! Les filets ont gelé, le pont a gelé… c’est exceptionnel en navigation. C’était un grand moment ! Mais plus globalement ce qui est génial dans ce tour du monde c’est l’aventure humaine, la cohésion de l’équipage. On a passé de super moments, un super tour du monde. Nous étions tous assez différents avec plein d’histoires à nous raconter les uns aux autres. A chaque changement de quarts, il y avait plein d’anecdotes, plein d’échanges, de grands moments de rigolade… et c’est presque le principal ! »
Boris Herrmann : « la rencontre avec Spindrift »
« Un grand souvenir c’est la rencontre avec Spindrift près de la Nouvelle-Zélande. C’était incroyable de se retrouver à cet endroit-là après une moitié de tour du monde ! L’ambiance à bord était super, mais c’est tout le tour du monde, dans sa globalité, qui était un grand moment à vivre. Je pense avoir appris plein de petites choses dans cet équipage, avoir acquis un peu plus de maturité de navigateur. C’était une expérience enrichissante, avec les autres, à bord de ce magnifique bateau ! »
Clément Surtel: « le Horn, ce caillou légendaire »
« Le plus grand moment pour moi c’est le cap Horn. Sortir du sud en rasant ce caillou légendaire, que je passais pour la première fois, dans un coucher de soleil magnifique, c’ était quelque chose. C’est une belle image de libération du Grand Sud. Et il y avait une très bonne ambiance à bord, on s’est tous bien soutenus. On s’est découverts parce qu’on ne se connaissait pas vraiment avant de partir et ce n’est jamais évident à six sur un bateau, comme ça. On s’est bien marrés ! Et après 47 jours de mer et bien… on se connaît mieux ! »
Alex Pella : « cet énorme iceberg sur notre route»
« Ben sûr on est très contents d’arriver, de finir ce tour du monde avec un très bon chrono, même si on n’a pas battu le record. Il y a eu de grands moments de bonne ambiance à bord, je pense que vous l’avez ressenti à terre. S’il faut faire une seule ‘photo’ d’un instant magique, pour moi ce serait cet énorme iceberg croisé dans l’Atlantique sud pendant une journée ensoleillée magnifique. Sur le pont, on était tous éblouis, à regarder ce spectacle comme s’il avait été posé là sur notre route, juste pour nous ! Et puis il y avait une très bonne ambiance à bord, moi j’aime bien rire, je trouve même que ça aide au rendement, à la performance, que ça aide quand les choses ne vont pas bien. C’est important… Il y avait des bonnes personnes à bord ! »
Crédit Photo : Eloi Stichelbaut (Spindrift 2), IDEC Sport (IDEC Sport au Cap Horn)
Tags sur NauticNews : Trophée Jules Verne, Dona Bertarelli , Yann Guichard, Spindrift 2, Francis Joyon, IDEC Sport
– CP –
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