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Classe Mini : De la Charente Maritime au Brésil
09/2009 –
85 voiliers de la Classe Mini ont pris le départ de La Rochelle pour Bahia, via Funchal à Madère. Dans la flotte de la 17ème Mini Transat se trouvent FRA 514 et FRA 625 que NauticNews.com suit depuis le début de la saison. Lors de la présentation de leur classe [voir notre article], les 2 navigateurs Luce Molinier et Nicolas Charmet, ont parlé de leur intérêt pour ces voiliers de 6,50 mètres, de l’étrave à la voûte, et de leurs envies de solitaire. Pour en savoir plus, nous les avons de nouveau questionnés, la veille de la Mini Transat, qui est le point d’orgue de la saison. Cependant, pour des raisons budgétaires, Luce Molinier n’a pas pris le départ. C’est Bertrand Castelnérac qui sera à la barre de FRA 514, nommé pour l’occasion Bcombio. Les 2 marins ont choisi, pour partager les frais et les compétences, d’effectuer ensemble les courses en double comme la Mini Fastnet, et d’alterner pour le solo. Ainsi, Bertrand fera sa 2nde Mini Transat tandis que Luce, récente lauréate du Trofémina Tentation, participera l’an prochain à l’épreuve Les Sables/Les Açores/Les Sables. Quant à FRA 625, le prototype dessiné par le jeune architecte Elie Canivenc, il sera skippé par Nicolas Charmet qui se bat pour ce projet depuis 4 ans. Avec La Ligue contre le cancer, le Skipper-Militant, dont c’est aussi la 2nde participation, s’est élancé de la Charente Maritime avec enthousiasme et générosité.
NauticNews.com : Comment s’est déroulée votre préparation pour la Mini Transat ?
Bertrand Castelnérac : On sort d’un petit mois de chantier pour refaire la peinture, mettre le sponsor sur les voiles, changer les bouts… C’est un petit chantier de propreté, le gros a été fait cet hiver où l’on a beaucoup travaillé. On s’est beaucoup entrainé mais on a du freiner un peu pour des raisons budgétaires. Comme nous avons beaucoup de partenariats techniques, on a ainsi pu développer de bonnes voiles pas trop chères. Cette année, j’ai aussi mis l’accent sur l’électronique. Avec NKE, on a travaillé sur les pilotes utilisés lors du dernier Vendée Globe. On a vu sur les données que la centrale enregistre en temps réel, d’énormes écarts d’assiettes, de vent, etc.… Et comme la Classe Mini a toujours servi à faire évoluer le matériel, j’ai été autorisé à avoir ce matériel pour la course. On verra bien si sur une transat c’est un petit détail ou si ça fait gagner de la vitesse, ou simplement du temps pour me reposer. Sur le papier c’est top, car c’est censé corriger plus vite, donc être plus efficace, et surtout moins gourmand en énergie. Sur le papier c’est top, mais c’est plus difficile à régler. En réel, on verra bien.
Nicolas Charmet : Le début de saison m’a permis de valider techniquement les quelques modifications que j’ai faites cet hiver. J’ai le sentiment de partir sur un bateau bien préparé, et tout ce que j’emmène, a déjà été validé en course. Il me reste juste un peu de matelotage à faire. Physiquement, ça va plutôt pas mal. J’ai fait un peu de foncier, comme le vélo, car la musculation a été faite cet hiver.
NN. : Quels sont les autres aspects que vous avez fignolés ?
N.C. : J’ai bien préparé mon avitaillement. J’ai pris 10 jours de nourriture pour la 1ère étape. Je me suis fait un kit « démâtage » avec 3 jours de lyophilisés. Pour la seconde, je prends 20 jours, et 5 jours de sécu. J’ai un peu de marge, mais pas trop. L’avitaillement n’est pas contrôlé, seule la quantité d’eau l’est. La Classe Mini nous donne à tous au moment du départ 60 litres sur la 1ère étape, et 140 litres sur la seconde. Après c’est le sens marin qui compte. C’est d‘ailleurs ce développement de l’esprit marin et de l’autonomie qui fait le fondement de la classe, même si c’est complexe. Ca va des choix techniques, ou d’équipement, jusqu’à tes fringues. Par exemple, j’ai fait un travail sur les sous-vêtements.
B. C. : En Mini, tu dois avoir 8 voiles : 3 spis, 1 gennaker, 1 foc, 1 GV et 2 voiles de Cape. Le nombre est limité, mais pas les mesures, ni les formes. J’ai choisi de partir avec 2 grands spis, pour en avoir 1 en réserve, et 1 petit. J’ai opté pour un petit gennaker que je peux porter très serré dans moins de 15 nœuds de vent, pour un près un peu ouvert. Je n’ai pas dévoilé cette voile cette année car c’est un truc nouveau. C’est un petit gennaker avec 1 ris. Quand on le déplie, cela devient un très grand génois qui va en tête de mât, en début de bout dehors, et sur le tableau arrière comme sur la Whitbread. Il est typé pour le Pot-au-Noir. Avec cette voile « double emploi », je gagne sur le nombre. C’est un choix un peu osé qui j’espère va payer. Arrisée, c’est aussi une voile qui vient dans les moments extrêmes comme le près serré dans du vent mou ou du vent arrière dans du vent très fort.
NN. : Vous êtes donc prêts, mais comment se sent-on avant de prendre le départ d’une telle course ?
N.C. : C’est la hâte qui domine. Mais il faut gérer les sollicitations extérieures qui peuvent vite t’embarquer dans leur stress. Comme je suis indépendant, mes clients aussi réagissent au dernier moment, et je vais avoir à bosser un peu juste avant le départ. J’ai plutôt hâte d’y aller. J’aurai juste un peu peur d’avoir un souci et de décevoir mais sinon, je n’ai pas trop peur de ce que vers quoi je vais. J’ai une pression due à mes objectifs. C’est peut être l’avantage de l’avoir déjà fait, je sais que j’aime ça.
B. C. : On se demande surtout si on n’a pas oublié quelque chose. Il faut partir décontracté pour être dedans dés le départ. Je pense que c’est vraiment ça qui est important : Partir l’esprit libre et de rentrer vite dans la course. Autant toute l’année on court avec les galères, les soucis financiers et autres. On remet tout en question mais il ne faut pas se laisser bouffer par la préparation et le stress. Je n’oublie pas que c’est une course mythique, longue à vivre de l’intérieur, mais qui finalement passe vite. Tout va très vite !
NN. : Quels vont être les moments clefs de la course ?
B. C. : Ce devrait être le Cap Finisterre sur la 1ère étape et les passages obligatoires sur la 2nde comme les Canaries dans les 4/5 jours après le départ, le passage de la porte du Cap Vert vers le 9ème jour. C’est souvent sur la seconde étape que le classement se fait. Entre les Canaries et le Pot-au-Noir, la course se joue. On ne peut gagner la Mini sur l’étape vers Madère, mais on peut la perdre.
N.C. : Sur l’étape 1, c’est le Cap Finisterre et l’approche sur Madère. Sur la seconde, ce sont les passages des Canaries et du Cap Vert, puis le pot-au-noir qui conditionne toute ta descente sur la Brésil. Je me suis marqué des points importants, qui sont des zones de transition. Entre ces zones, j’ai une série de scénarios en fonction de la météo. On sait statistiquement les conditions des zones que l’on traverse. On sait ce qui se passe statistiquement à tel endroit quand il y a tel vent. Le niveau où se déclenchent les alizés du Nord Est conditionne ton passage vers l’ouest. C’est scénarisé car on n’a pas d’info ultra précise.
NN. : Cela se passe comment pour la météo ?
N.C. : Tous les jours, l’organisation donne les classements distance au but, et derrière elle donne une météo sur zones. En parallèle, tu écoutes RFI en fin de matinée. Ca te fait 2 sources d’infos. Et avec ça, tu dois faire ta tambouille. Tu sais globalement où sont les gros systèmes, à toi de faire sur une feuille blanche ta propre carte ainsi que ta propre analyse. Ca te prend, 1 à 2 heures par jour, mais c’est tout le temps sous jacent.
B. C. : On n’a qu’une VHF et une BLU. Si tu captes bien, tu peux suivre le bulletin du midi. Ca te prend 1 bonne heure. Je me suis rendu compte que la météo jusqu’aux Canaries est importante, car il peut se passer plein de choses, mais qu’après, tu rentres dans des Alizés de Nord-est à Est stables, sans grandes bascules. Le plus important devient de cravacher.
NN. : Vous avez l’esprit occupé durant la course ?
B. C. : Je cogite tout le temps. Tu es à l’affût du moindre bruit, c’est comme ça qu’on reste attentif, mais c’est aussi comme ça que tu te fatigues vite. Il faut faire attention. J’ai pris comme en 2007 des bouquins, pour se changer les idées, et pouvoir penser un peu mieux.
N.C. : J’ai tendance à pas mal cogiter, à rêver aussi un peu. Je me suis enregistré un paquet d’émissions de radio qui me permettront de débrancher le cerveau. J’aime bien me raconter des histoires. Je ne m’ennuie pas tout seul car je vis la solitude plutôt pas mal.
NN. : Que retenez-vous de votre 1ère Mini Transat ?
B. C. : Mon meilleur souvenir de 2007, c’est le départ. Je me suis dit : « Ca y’est, j’y suis. Je suis au rendez-vous et plus rien ne peut m’empêcher d’y aller ». J’étais tellement content d’être là, que je n’avais pas de pression. Et tout s’est joué très tôt, dés le début de la course.
N.C. : Il y’a 4 ans, je n’avais pas encore pas passé la ligne d’arrivée que je m’étais dit que j’y retournerai. On arrive sur la ligne de départ, c’est déjà une victoire, et j’arrive 4 ans après, avec un bateau bien préparé, fort de l’expérience de la 1ère transat, avec l’envie d’arriver de l’autre côté dans mes objectifs.
NN. : Justement, sur l’édition 2009, quelles sont vos ambitions ?
N.C. : Mon 1er objectif, c’est bien-sûr d’arriver de l’autre côté, mais je me suis rajouté une petite pression sportive. J’ai envie d’arriver plus vite que les autres. Je serai satisfait si je fais dans les 10 premiers [en Proto, ndlr].
B. C. : Je vise le podium [en Série, ndlr]. Nous sommes une dizaine de prétendants mais on a beaucoup travaillé pour avoir un bateau plus qu’au top !
Depuis ces interviews, les 2 miniistes ont quitté la Charente Maritime pour le Brésil, via Madère. Ils sont partis, dans des conditions parfaites, affronter 4 200 milles de solitude et d’épreuves dans une course qui allie vitesse et endurance. Après 48 heures passées en mer, les concurrents rencontrent des conditions musclées qui les obligent à faire le dos rond. Bcombio a passé le Cap Finisterre en 5ème position, alors que La Ligue contre le cancer est au large de La Corogne, pointée à la 12ème place. Nous prendrons régulièrement de leurs nouvelles, d’autant que comme de nombreux passionnés, nous participons aussi à la régate virtuelle organisée par Many Players. Le bateau NauticNews.com est en course, tout comme Bcombio barrée par Luce Molinier. La navigatrice va ainsi pouvoir se mesurer à son co-skipper. Il sera sûrement assez intéressant de comparer les choix de routes et de connaître les écarts entre le virtuel et le réel.
Plus d’informations : Sites de Luce Molinier et de Nicolas Charmet
Crédits Photos : Pierrick Garenne / GPO
-NG-
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