Solitaire du Figaro : quel final!
Jusqu’au raz Blanchard à 20 milles de l’arrivée finale, l’issue de cette 45ème édition de La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire était incertaine : Jérémie Beyou (Maître Coq) avait les atouts en main, mais de jeunes loups restaient embusqués à quelques encablures prêts à bondir à la moindre incartade du leader… Au fil des quatre étapes sacrant quatre vainqueurs à chaque escale, le déroulé de la course a mis sur la touche plusieurs des grands prétendants à la victoire !
C’est une édition qui marque un tournant dans la longue histoire de La Solitaire du Figaro-Eric Bompard cachemire, même si les fondamentaux restent encore gravés dans le marbre : quatre manches très différentes, des conditions météorologiques variées, des avaries éliminatoires, des arrivées au couteau, des attaques à tire-larigot, des fatigues comateuses, un vainqueur final sous pression jusqu’à la fin…
Mais tout de même, cette 45ème édition se différentie d’abord par son type de parcours : très côtier, avec de nombreuses tranches de moins de 100 milles et sept traversées de la Manche ! Donc avec beaucoup de paramètres liés à la présence des côtes (effets thermiques) et aux courants de marée.
Deuxième vague
C’est aussi l’arrivée d’une deuxième vague de solitaires, formés dans les centres d’entraînements et se préparant dès l’hiver : après la génération Paul Meilhat (SMA), Adrien Hardy (Agir Recouvrement), Anthony Marchand (Ovimpex-Secours Populaire), Yoann Richomme (Skipper Macif 2014), Damien Guillou (La Solidarité Mutualiste), Alexis Loison (Groupe Fiva), Corentin Douguet (Un Maillot pour la Vie), Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012), Xavier Macaire (Skipper Hérault)… voici venir de nouveaux coureurs qui n’ont que peu d’expérience du circuit mais qui marquent déjà leur empreinte : Corentin Horeau (Bretagne-Crédit Mutuel Performance), Charlie Dalin (Normandy Elite Team), Gwénolé Gahinet (Safran-Guy Cotten), Sébastien Simon (Bretagne-Crédit Mutuel Espoir), Sam Matson (Artemis 21)…
Notons aussi que cette édition sort des normes depuis l’adoption du Figaro Bénéteau 2 en 2003 : les écarts à l’arrivée sont en général confinés dans une fourchette de plus d’une heure alors que Jérémie Beyou, vainqueur final, n’a que 17’56 d’avance sur son dauphin Corentin Horeau et 25’47 sur Charlie Dalin… Une tendance à la compression ces dernières années puisque les deltas étaient de 26’30 en 2013, de 33’48 (sur trois étapes) en 2012, de 34’43 en 2011, de 1h28’08 en 2010, de 20’29 en 2009, de 2h22’15 en 2008, de 26’38 en 2007, de 1h56’55 en 2006, de 1h20’54 en 2005, de 52’35 en 2004, et de 13 secondes en 2003 !
La cuillère anglaise
Grand soleil et petite brise : le départ de Deauville est superbe devant la grande plage et rapidement, les 38 solitaires montent au près pour une première traversée de la Manche. Mais à l’île de Wight contre un fort courant de marée, la flotte tamponne dans une bulle sans vent derrière Adrien Hardy et c’est par derrière que vient le danger : Nicolas Jossier (In Extenso-Experts comptables) déborde par le large et prend le commandement jusqu’à ce que Alexis Loison, puis Yann Eliès reprenne la main dans une brise de Sud-Ouest de plus de 20 nœuds.
Mais au passage du phare de Wolf Rock, le leader démâte et c’est Charlie Dalin qui déboule en tête vers Roscoff ! La remontée sous spinnaker se ralentit progressivement lorsque la brise s’essouffle en arrivant sur les côtes anglaises, et le finish est serré entre Fabien Delahaye et Jérémie Beyou… Jusqu’à ce que Alexis Loison réussisse sa cuillère par dessous en se glissant subrepticement avec un meilleur angle !
Classement de la première étape (de Deauville à Plymouth : 484 milles)
- Alexis Loison (Groupe Fiva) en 3j 2h 53’50
- Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012) en 3j 3h 01’17
- Jérémie Beyou (Maître Coq) en 3j 3h 03’32
- Charlie Dalin (Normandy Elite Team) en 3j 3h 06’06
- Erwan Tabarly (Armor Lux-Comptoir de la Mer) en 3j 3h 08’24
12. Sam Matson (Artemis 21) en 3j 3h 52’39 premier « bizuth »
La revanche du démâté
Avec son préparateur Enzo, Yann Eliès installe un nouveau mât et c’est au crépuscule que les 38 solitaires s’élancent pour la plus longue des étapes de cette 45ème édition. Joan Ahrweiller (Région Basse Normandie) doit rapidement abandonner après avoir talonné violemment sur la digue de Plymouth quand la flotte s’échappe sous spi vers les îles Scilly. Ce premier bord est fatal pour tous ceux qui ont trop taquiné les côtes de Cornouaille et c’est le duo Gildas Morvan (Cercle Vert) et Yann Eliès qui mène la danse pour un long bord de vent de travers vers l’Irlande.
Mais c’est arrêt buffet dans un calme avant d’atteindre la bouée Stag, puis une petite brise d’Est se lève pour rallier le phare du Fastnet dans le sillage de Yann Eliès… Le leader ne sera plus inquiété jusqu’à l’arrivée, et derrière c’est le petit train pour ce long bord de vent de travers dans un flux instable qui sollicite énormément les solitaires. Seule opportunité de se démarquer, passer par le Sud du DST (séparation de trafic maritime) des Scilly ce que font Alain Gautier (Generali) et Nicolas Jossier sans succès, mais sans perte non plus. Le long bord de près dans 15-20 nœuds d’Est entre l’archipel anglais et Roscoff ne change pas la hiérarchie, si ce n’est que les écarts se creusent entre le premier et ses poursuivants…
Classement de la deuxième étape (de Plymouth à Roscoff : 535 milles)
- Yann Eliès (Groupe Quéguiner-Leucémie Espoir) en 3j 3h 00’01
- Corentin Horeau (Bretagne-Crédit Mutuel Performance) en 3j 3h 58’23
- Jérémie Beyou (Maître Coq) en 3j 3h 59’47
- Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012) en 3j 4h 00’19
- Gildas Mahé (Interface Concept) en 3j 4h 03’12
12. Sébastien Simon (Bretagne-Crédit Mutuel Espoir) en 3j 04h 44’24 premier « bizuth »
Un débordement final
Leader au classement général cumulé sur deux manches, Fabien Delahaye casse un hauban juste avant le départ de Roscoff : il doit réparer et part avec deux heures de retard qu’il ne pourra jamais rattraper et il abandonne à Belle-Île pour se préparer à l’ultime manche. Tandis que Sébastien Simon percute violemment le bateau de Joan Ahrweiller qui doit abandonner… Pendant ce temps, Adrien Hardy et Fred Rivet (DFDS Seaways) ont surpris toute la flotte en glissant sous spinnaker par le chenal de l’île de Batz ! La nuit tombe dans le chenal du Four et Claire Pruvot (Port de Caen-Ouistreham) talonne sur une roche et quitte la course.
Au raz de Sein, le Britannique Sam Goodchild (Team Plymouth) se faufile à l’intérieur et prend la tête dans une brise de Nord-Est qui s’essouffle progressivement au point de disparaître totalement à la bouée des Galères de Belle-Île : presque toute la flotte est regroupée en moins de deux milles ! La deuxième journée de course se passe à progresser laborieusement vers le milieu du golfe de Gascogne pour aller virer la bouée ODAS quand un nouveau trou de vent stoppe tous les élans à la nuit tombée… Seule une quinzaine de solitaires arrivent à s’extirper de la bulle au lever du jour et Yann Eliès répond encore présent pour ce bord de spi serré vers l’estuaire de la Gironde. Mais le vent mollit pour la remontée au près vers Les Sables d’Olonne, pour tomber presque totalement à vingt milles de l’arrivée. Gildas Mahé (Interface Concept) voit la brise revenir par l’Ouest et dépasse le leader sur le fil !
Classement de la troisième étape (de Roscoff aux Sables d’Olonne : 505 milles)
- Gildas Mahé (Interface Concept) en 3j 18h 07’46
- Yann Eliès (Groupe Quéguiner-Leucémie Espoir) en 3j 18h 08’13
- Jérémie Beyou (Maître Coq) en 3j 18h 15’13
- Corentin Horeau (Bretagne-Crédit Mutuel Performance) en 3j 18h 16’56
- Charlie Dalin (Normandy Elite Team) en 3j 18h 19’38
12. Gwénolé Gahinet (Safran-Guy Cotten) en 3j 19h 15’17 premier « bizuth »
Un raz pour conclure
Ils ne sont plus que quatre en moins d’une heure et cette ultime étape peut encore tout remettre en question, surtout que le départ vendéen est plutôt musclé : 25 nœuds de Nord-Ouest ! Mais à la nuit, une dorsale ralentit le rythme et profite à ceux qui ont privilégié la route directe : Corentin Douguet en tête, Vincent Biarnes (Guyot Environnement) et Yoann Richomme glissent vers l’Occidentale de Sein… Sous spi et sous la pluie, le passage de Ouessant est impressionnant pour aller chercher la bouée de Portsall avant de traverser la Manche : ça déferle et il faut manœuvrer pour changer de voile en pleine nuit !
A suivre, 70 milles toniques vers le cap Lizard sous spi serré et un ris dans la grand-voile à plus de douze nœuds de moyenne parfois. Mais il faut ensuite enchaîner un long bord de près directement vers Cherbourg puisque la Direction de Course a décidé de raccourcir le parcours. Une phase humide et fastidieuse qui ne reprend de la saveur qu’en approche de Guernesey quand il faut tirer des bords à la côte. Car malgré quelques attaques par le large, la solution est de se protéger du courant de marée descendante jusqu’à la renverse. La flotte s’étire puis se re-compresse à l’approche du raz Blanchard et ils sont encore huit dans un mouchoir de poche à louvoyer devant le phare de La Hague. En tirant plus à terre, Jérémie Beyou prend la tête et la conserve jusqu’à la Grande Rade de Cherbourg, s’adjugeant par là même, la victoire au classement général sur quatre manches !
Classement de la quatrième étape (des Sables d’Olonne à Cherbourg : raccourcie à 440 milles)
- Jérémie Beyou (Maître Coq) en 2j 18h 20’50
- Adrien Hardy (Agir Recouvrement) en 2j 18h 21’44
- Corentin Douguet (Un maillot pour la vie) en 2j 18h 22’22
- Corentin Horeau (Bretagne-Crédit Mutuel Performance) en 2j 18h 23’33
- Yann Eliès (Groupe Quéguiner-Leucémie Espoir) en 2j 18h 24’42
21. Sébastien Simon (Bretagne-Crédit Mutuel Espoir) en 3j 04h 44’24 premier « bizuth »
Crédit Photo : A.Courcoux
Tags sur NauticNews: Solitaire du Figaro, Trophée Eric Bompard
– CP –
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