Transat Jacques Vabre : Petits bonheurs entre amis
Les équipages ont pris le rythme du grand large. Chacun fait son quart, sauf pour les grandes manœuvres d’empannage, chacun dort d’un sommeil court mais profond, et dans les cambuses, les bons petits plats sont de sortie. Les alizés soutenus permettent d’avaler des milles bateau à plat, c’est le bonheur d’être en mer ! En Class40, GDF SUEZ et Mare se sont échappés 100 milles devant le reste de la flotte ; chez les IMOCA, PRB a repris les commandes, le Multi 50 FenêtréA Cardinal devance Actual de 90 milles et du côté des MOD70, Oman Air – Musandam a réduit son écart de 50 milles sur Edmond de Rothschild !
Class40 : Deux devant et tous derrière
Malgré son escale technique à Muxia, au Nord du cap Finisterre, la nuit dernière, GDF SUEZ (Sébastien Rogues/Fabien Delahaye) conserve ce mardi soir 25 milles d’avance sur Mare (Jorg Riechers/Pierre Brasseur). Ces deux équipages ont fait le break sur leurs poursuivants : ERDF-Des Pieds et des Mains (Damien Seguin/Yoann Richomme), SNCF Geodis (Fabrice Amédéo/Armel Tripon) et Watt and Sea Région Poitou Charentes (Yannick Bestaven/Aurélien Ducroz) sont à plus de 100 milles de Rogues et Delahaye ! Cet écart conséquent s’explique simplement : GDF SUEZ et Mare ont pu franchir le cap Finisterre avec de l’air, tandis que leurs poursuivants ont rencontré des conditions très molles aux abords de la pointe espagnole. Mais le vent revient par l’Ouest et toute la flotte pourra bientôt toucher un alizé portugais consistant et bien établi. Spis et maillots de bain pour tout le monde ! Côté escales techniques, Tales Santander 2014 (Alex Pella/Pablo Santurde) a réparé son axe de safran tribord endommagé à La Corogne, avant de reprendre sa route en fin de matinée. A 16h, BET 1128 s’est arrêté dans le port galicien pour refixer correctement son mât. En milieu de flotte, on assiste à une bagarre intense : une dizaine de milles séparent Caterham Challenge (Mike Gascoyne/Brian Thompson), 7ème, de Vaquita (Cristof Petter/Andreas Hanakamp), 16ème.
Multi 50 : Le jeu des empannages
En approche des îles Canaries, deux Multi 50 glissent à près de 20 nœuds. Autant dire que les hommes doivent être sur le pont parés à choquer une écoute, à la barre ou en veille avec les commandes à distance du pilote automatique autour du coup. Car les alizés de Nord-Est sont encore parfois nerveux, lâchant un grain ou une « bouffe » sans prévenir… En tête FenêtréA Cardinal (Erwan Le Roux et Yann Eliès) se méfie de son adversaire Actual (Yves Le Blevec/Kito de Pavant) à 40 milles dans son tableau arrière. Les deux équipages le savent bien : le vent va mollir un peu au Cap Vert, il faut donc engranger des milles maintenant. 350 milles derrière, Gilles Lamiré et Andrea Mura (Rennes Métropole / Saint-Malo Agglomération) poursuivent leur route à la même latitude que Votre Nom Autour du Monde et affichent d’ailleurs la même vitesse au compteur que l’IMOCA (entre 15 et 16 nœuds). Vers un Monde sans Sida subit des alizés portugais forts (jusqu’à 30 nœuds) et se trouve maintenant à la latitude de Lisbonne.
IMOCA : Cinq bateaux en 80 milles
A l’échelle d’une transatlantique longue de 5 450 milles, 80 milles est un mouchoir de poche. Ils sont cinq à batailler pour la première place, et voilà que cet après-midi PRB (Vincent Riou/Jean Le Cam) reprend les commandes pour la troisième fois, au nez et à la barbe de Safran (Marc Guillemot/Pascal Bidégorry), leader ce matin. Les deux plus rapides au dernier pointage sont Cheminées Poujoulat (Bernard Stamm/Philippe Legros) et MACIF (François Gabart/Michel Desjoyeaux) avec des vitesses frôlant les 20 nœuds ! Le dernier vainqueur du Vendée Globe redevient dangereux : à chaque classement, il réduit la distance avec la tête de flotte. Si Bureau Vallée (Louis Burton/Guillaume Le Brec) reste bien dans le tempo en conservant sa place de 6e, Votre Nom autour du Monde (Bertrand de Broc/Arnaud Boissières) a perdu son grand gennaker cet après-midi et devrait forcément perdre un peu de terrain. A l’arrière, trois IMOCA se tiennent en 40 milles, Initiatives-Cœur fermant la marche. Tanguy de Lamotte et François Damiens avouent prendre un plaisir immense d’être en mer : « Je ne pensais pas que ce serait aussi bien » avouait ce midi à la vacation François !
MOD70 : La cavalcade avant le casse-tête
A une vitesse de près de 30 nœuds, la folle chevauchée continue pour Edmond de Rothschild (Sébastien Josse/Charles Caudrelier) et Oman Air-Musandam (Sidney Gavignet/Damian Foxall). Il suffit de jeter un œil aux distances parcourues ces dernières 24 heures pour s’en convaincre : 650 milles pour Oman Air-Musandam. Une sacrée performance en double. Cette navigation dans un alizé soutenu et sur une mer relativement plate est un vrai régal ! Mais ne pas s’y tromper : lancés à pleine vitesse, ces machines de course par essence instables nécessitent une concentration de tous les instants pour ne pas partir à la faute. Un gros morceau se profile devant les étraves des deux trimarans monotypes : la fameuse ZCIT (Zone de Convergence Inter Tropicale), plus connue sous le nom de Pot-au-noir. Il va falloir affiner les trajectoires afin de trouver le bon passage dans cette zone étendue et active où il y a beaucoup à gagner et à perdre. Un vrai casse-tête en perspective. Au pointage de 17h, Sidney Gavignet et Damian Foxall étaient bien revenus dans le match : 29,83 milles les séparaient de Sébastien Josse et Charles Caudrelier qui ont été les premiers à empanner au large du Cap Vert pour faire route à l’Ouest.
Ils ont dit :
François Damiens, co-skipper d’Initiatives-Cœur (IMOCA) : « C’est la belle vie ! Je ne pensais pas que ce serait aussi bien. Les températures se réchauffent, je suis juste avec mon petit pyjama et ma combinaison ce matin. Je ne vais pas tarder à enfiler mes bottes quand même pour aider à l’extérieur ! Et bientôt ce sera le maillot de bain. Je vais enfin pouvoir changer de caleçon ; j’ai le même depuis Le Havre. Nous sommes au portant, la mer est calme. Au début, on se battait un peu contre les éléments et on essayait de ne pas être malade. Je n’ai pas envie de faire des conneries donc je demande beaucoup à Tanguy comment gérer l’armée d’écoutes qu’on a à bord. Ce serait dommage que l’on démâte à cause de moi donc je fais ce que Tanguy me demande. Je prends rarement la barre. Quand Tanguy va dormir, il me donne plutôt des indications pour gérer le pilote automatique. Au niveau des quarts, chacun dort ce qu’il a envie de dormir. Nous n’aimons pas trop les règles ici. On s’adapte. Je pensais que j’allais plus faire la cuisine que Tanguy mais finalement il participe beaucoup. Moi je veux manger tous les plats du traiteur mais il n’est pas d’accord. Nous sommes contents car nous avons sauvé un deuxième enfant. Notre projet est bien relayé dans les médias. Il faut aller cliquer. »
Louis Burton, skipper de Bureau Vallée (IMOCA) : « Ça glisse bien, on gère notre course du mieux possible, dans des conditions plutôt agréables. Il commence à faire chaud, on peut prendre des douches, pas d’avarie à bord, tout va bien. On essaie de ne pas mollir pour que les cinq bateaux devant nous ne nous distancent pas trop. Concernant la vie à bord : le boucher de Guillaume nous a concocté des choses délicieuses, et nous avons de la super huile d’olive pour agrémenter d’agréables petits plats, nous sommes ravis. Les alizés sont bien établis, ça va continuer comme ça un bon moment, puis plus on va descendre au sud et plus ce sera de l’Est faiblissant. La météo est plutôt sympa après une sortie de Manche et un golfe de Gascogne capricieux. Maintenant c’est tellement agréable qu’on sait pourquoi on fait de la voile et la Transat Jacques Vabre ! »
Mayeul Riffet, co-skipper d’Arkema – Région Aquitaine (Multi 50): « Tout va bien, nous sommes toujours confinés dans notre nouveau loft (lire aussi notre article). Le remorqueur devrait arriver en milieu de nuit, ils sont partis ce matin de Lisbonne. Hier, nous avons passé une bonne partie de la journée dans l’eau pour enlever tout ce qui traînait en dessous du bateau, des morceaux de mât et de bôme. Des choses sont encore tenues à notre épave par quelques tentacules donc il y a encore 2-3 ficelles à couper. Mais le bateau souffre moins et il est quasi prêt à se faire remorquer. C’était chaud cette nuit, je suis sorti à 4 h du matin pour faire mes besoins et je me suis retrouvé nez à nez plein phare avec un énorme chalutier. Ils ont vraiment insisté pour nous proposer de nous ramener, on a eu du mal à communiquer pour dire non, que tout allait bien et que nous n’avions pas besoin de leur aide, que le remorqueur arrivait… tout ça en ne parlant pas le Portugais. Les bateaux ont failli se heurter, c’était un peu tendu. Sinon on s’adapte à notre petite boîte, mais Lalou, quand il se lance dans le ménage c’est quelque chose…! »
Matthieu Alluin, co-skipper de Mr Bricolage (Class40) : « Tout va très bien à bord de Mr Bricolage. Comme à la pointe de Bretagne, nous sommes tombés dans une grosse zone de pétole avec beaucoup de changements de voiles à effectuer. Nous n’avons donc pas beaucoup dormi cette nuit. Le vent va rentrer dans les prochaines heures. Nous arrivons à nous alimenter correctement, notre rythme est calé, le moral est au beau fixe, les quarts s’enchainent bien. Le petit garçon de Damien (Rousseau), né en tout début de course, et sa maman se portent très bien. Que des bonnes nouvelles, donc ! Nous attendons juste avec impatience de sortir de cette zone sans vent. Les alizés portugais vont nous permettre de partir pour un très long bord de spi : de belles glissades en perspective ! Au niveau du matériel, nous avons eu des petits soucis de communication satellite mais tout est rentré dans l’ordre maintenant. L’équipage et le bateau sont en pleine forme, prêts à l’attaque ! »
Crédit Photo : Cheminées Poujoulats
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– CP –
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