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Solitaire du Figaro: Yann, Fabien, Morgan et les autres

Trois marins ont extrêmement bien joué cette nuit dans les petits airs, les courants et les cailloux de la Bretagne Nord. Au sortir de la Manche, Yann Eliès (Groupe Quéguiner – Le Journal des Entreprises), Fabien Delahaye (Skipper Macif 2012) et Morgan Lagravière (Vendée) se sont échappés en tête laissant derrière eux une meute compacte qui n’attend désormais qu’une chose pour se départager : un coup de Trafalgar en fin d’après-midi dans le raz de Sein.

« Casque lourd pour les crabes »
Brouillard, gris, pluie et une humidité qui finit par s’infiltrer jusqu’aux os. Les premières 24 heures de navigation de La Solitaire du Figaro – Eric Bompard Cachemire sont très frisquettes pour un mois de juin. La bagarre, en revanche, est sacrément chaude. Depuis le départ de Paimpol, le petit temps a régné en maître et c’est le courant qui a dicté tous les choix de placement. Pour s’abriter du jus et éviter de reculer, il fallait pousser à terre et s’engouffrer dans un labyrinthe de hauts fonds. Cette nuit et aux aurores entre Perros-Guirec et les Abers, c’était « casque lourd pour les crabes ». Les quilles des monotypes ont chatouillé quelques rochers et trois bateaux ont talonné, plus ou moins violemment (Keopsys, Voyons Large et DLBC).

Trois devant et tous les autres derrière
Yann Eliès, qui connaît très bien le coin, a profité de ce gymkhana un peu délicat pour se refaire une santé après un départ très médiocre en baie de Paimpol. Dimanche soir du côté de Trébeurden, il prenait les rênes de cette première étape. Dans la nuit, seuls deux concurrents parvenaient à tenir sa cadence : Fabien Delahaye et Morgan Lagravière. Ce matin, dans la pétole et contre le courant, ces trois-là passent en tête la Grande Basse de Portsall, cardinale qui marque le grand virage à gauche pour contourner la pointe de la Bretagne. Yann, Fabien et Morgan touchent les premiers un petit vent de sud puis de sud-ouest en train de s’établir. Derrière, la flotte ralentit et se regroupe. Bilan : ils sont désormais trois devant et tous les autres à 3,5 milles derrière !

Dans le groupe des poursuivants tiré par Xavier Macaire (Skipper Hérault), Adrien Hardy (Agir Recouvrement) et Nicolas Lunven (Generali), aucune position n’est acquise. Les écarts sont extrêmement serrés (4 milles entre le 4e et le 31e). Seuls Yannig Livory (One Network Energies), la Norvégienne Kristin Songe Moller (Kristin For Fulle Seil) et Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls), qui a tout perdu hier à cause d’un étai récalcitrant, sont relégués à plus de 10 milles des leaders.

A quel Sein se vouer ?
En début d’après-midi, le passage du Four avec un courant favorable et un vent de sud-ouest de 11 nœuds ne posait aucune difficulté particulière. Pour autant, pas question de dormir même si certains marins sont déjà en déficit de sommeil après 24 heures à tirer des bords dans les cailloux. Il faut aller vite, très vite en direction du raz de Sein avant la renverse de courant à l’heure du goûter. Voilà le scénario probable : les trois leaders sont presque certains de passer à l’étal. Mais derrière, ils ne seront que quelques élus à bénéficier des derniers soubresauts du tapis roulant. La barrière va ensuite se refermer sur une partie des retardataires qui progresseront à partir de 17h00 avec entre 3 et 4 nœuds de courant dans le nez. On fera les comptes demain matin aux Birvideaux, dernier point de passage avant d’attaquer la partie océanique de cette première étape à destination de Gijón.

Dernière minute : Abandon de Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls)

A 16h36, Jean-Pierre Nicol (Bernard Controls) a prévenu la direction de course qu’il avait l’intention de se détourner sur Brest (port du château) pour résoudre des problèmes techniques à bord de son bateau (étai creux et voile d’avant). Il abandonne la première étape de La Solitaire du Figaro-Eric Bompard Cachemire. Mais s’organise pour convoyer son bateau à Gijón afin de prendre le départ de la 2e étape dimanche.

Ils ont dit :

Thomas Ruyant (Destination Dunkerque) : « C’est humide depuis le départ. On va avoir un flux de Sud Ouest et on continue à tirer des bords au près. Ca s’est plutôt pas trop mal passé pour moi . Il y a eu une redistribution des cartes avant de passer la grande basse Portsall. Du coup je ne suis pas dans la meilleure position mais il y a encore des choses à jouer. On n’a pas eu besoin de mouiller parce qu’on avançait quand même sur le fond. Toute la flotte s’est retrouvée juste avant la Grand Basse Portsall. Il y a donc eu un nouveau départ. L’arrière de flotte est revenue sur la tête. Je ne suis pas au mieux. Je n’ai pas beaucoup dormi, j’ai dû dormir deux minutes en tout. On est au près, j’essaie de faire des petites siestes de 5- 10 min, mais la flotte est assez groupée, il faut donc faire attention. C’est une étape où on risque de ne pas dormir beaucoup. On risque d’arriver un peu rincé à Gijon. Il y a pas mal de bateaux que je vois à l’AIS mais il y a beaucoup de brouillard donc la visibilité n’est pas très bonne. Je suis avec Banque Populaire, Groupe Fiva et Prati’bûches. A part les trois premiers qui ont pris un peu d’avance, on est très groupé donc tout reste à faire.

Erwan Tabarly (Nacarat) : « On a eu une petite phase de transition cette nuit avec de la pétole, du vent qui re-rentrait par le sud et on a passé la matinée à tirer des bords à côté du phare de l’Ile Vierge et jusqu’au au Four; On avait le courant contre nous. Maintenant on a du vent, on va passer la pointe du Conquet. On ne voit rien du tout, il pleut, j’ai rarement vu ça. On ne se voit pas trop. On est encore au près et même s’il y a quelques bateaux groupés, on ne voit rien. Je n’ai pas vraiment dormi encore pour l’instant parce qu’il y avait pas mal de choses à faire cette nuit et pas beaucoup de vent. Mais dès qu’on aura passé le raz de Sein, ce sera plus facile d’aller dormir. Il y a eu beaucoup d’algues. J’ai pris un sac ou quelque chose comme ça et je m’en suis aperçu tardivement. J’ai du passer une partie de la nuit avec le sac dans la quille et j’ai perdu du terrain avec ça. J’ai du faire une marche arrière ce matin pour l’enlever.

Jusqu’à la pointe du raz, on devrait enchainer avec le courant et avoir la renverse au raz de sein et passer. Actuellement, on a une dizaine de nœuds de vent et donc ça avance bien. Pour aller jusqu’aux Birvideaux, normalement c’est du travers donc des allures plus reposantes, mais je ne sais pas encore ce qu’il va se passer.

Nicolas Jossier (In Extenso Expert Comptable) : « C’est un peu la purée de pois, on ne voit rien et c’est très humide. C’est une bataille de virements pour reprendre le Chenal du Four. Les trois premiers sont passés, nous on s’est retrouvés bloqués juste avant la grande Basse de Portsall. La flotte est revenue, on est tous au contact, ça se bagarre ! »

Yoann Richomme (DLBC) : « On est parti sur un parcours un peu bizarre avec beaucoup de courant donc pas mal de petits chocs entre les bateaux, et puis ensuite ça s’est déroulé d’une façon imprévue comme on pouvait le prévoir, d’ailleurs. On a un peu lutté toute la nuit contre le courant. Pendant la tombée de la nuit, on était devant Perros, c’était sympa, j’ai intégré le top 5 à ce moment, avec Yann Elies. Ça commençait bien et puis la nuit a continué jusqu’à l’île de Batz, j’ai pris une option à la côte où j’ai tapé un caillou, je me suis retrouvé projeté contre la table à carte que j’ai cassé, ainsi que l’ordinateur. À partir de là, c’était plus dur. À midi on s’est retrouvé à Portsall, il y a eu regroupement, les 3 premiers sont passés devant et le reste de la flotte a pris un nouveau départ. Il pleut des cordes, il y a de la brume, on ne voit pas à 100 m. Je n’ai plus d’ordinateur, ce n’est pas facile, je m’accroche aux autres bateaux pour savoir où je vais. Sans ordinateur, ça va aller, la partie difficile météorologiquement, c’était cette nuit et aujourd’hui, là ça va tout droit vers la Pointe du Raz. Jusque-là, normalement ça devrait aller, après ça devrait être assez simple sur une route directe. Quand je serai sorti des cailloux, je serai rassuré.

Moi, ça va. Je me suis ouvert l’arcade et fait mal à l’épaule, c’est un peu délicat, mais ça ne remet pas en cause ma navigation. C’est un peu dommage, c’était un caillou que j’avais vu, marqué, je ne sais pas trop ce que j’ai fait, je regardais autre chose et j’ai oublié le caillou ! Il n’y a pas beaucoup de dégâts, je sortirai le bateau à Gijon pour faire un check et ça devrait aller. Pour mes blessures, j’ai eu Jean-Yves, surtout pour arrêter le saignement et puis pour l’instant, ça va, j’ai réussi à raccrocher un bon paquet, avec Erwan Tabarly et Charlie Dalin. Je vais me concentrer et me reposer pour la suite car ça ne sera pas de tout repos. »

Morgan Lagravière (Vendée) : « C’est plutôt de bon augure ! j’ai perdu quelques mètres, mais ce n’est rien par rapport à ce qu’on avait gagné, même si c’est toujours frustrant de perdre des longueurs. C’est un beau début de course, mais la route est longue et on va encore avoir pas mal de surprises. Il fait gris, il pleut, on ne voit pas très loin, même pas du tout, à peine à 200 m, on joue avec le courant qui nous pousse vers la sortie. J’ai vachement bien dormi cette nuit et même aujourd’hui ! Le bateau va bien et la mer est plate, je suis assez reposé par rapport aux courses d’avant saison. »

Crédit Photo: A.COURCOUX

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– CP –

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