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Espen Oeino : « Il faut le mental pour être le meilleur »
03/2010 –
L’architecte naval norvégien Espen Oeino porte bien son nom. Que cela soit « oinos », « oino », « oen » ou « oine », le radical signifie un, unique. Même s’il se dit influencé par le grand Jon Bannenberg, père du méga-yacht, Oeino est différent. A l’image de ses incroyables créations qu’il a conté à NauticNews depuis son bureau, quai Kennedy, à Monaco.
Espen Oeino naît en 1962 à Hellerud, dans les environs d’Oslo. La mer coule dans ses veines. La famille paternelle construit des bateaux de rivière en bois depuis cinq générations. Le grand-père maternel est le constructeur du premier moteur marin en diesel en Norvège. Une passion génétique donc, mais aussi un attachement particulier au dessin. Petit garçon, il le pratique assidûment… Au grand agacement de ses parents qui l’envoient potasser l’architecture navale en Écosse. « Dessiner des yachts n’était pas une occupation sérieuse aux yeux de mes parents. Alors, j’ai étudié pour leur faire plaisir. Je ne regrette pas. Ces études m’ont permis de créer des coques sur mesure, distinctives de la masse ».
L’apprentissage
D’ailleurs, le designer ne pense pas le moins du monde que les écoles d’architecture navale formatent. « L’enseignement incite à se poser des bonnes questions, à relativiser. Il faut que les choses soient réalistes. On voit des projets complètement farfelus parfois. Le bateau n’est pas une maison. Il doit affronter la mer ». Ce n’est pas pour autant qu’Oeino est contre les autodidactes. « C’est la personne qui fait la différence. Il ne suffit pas d’être bon technicien. Il faut le mental pour être le meilleur ». Son diplôme en poche, le jeune architecte migre encore plus au sud, direction Antibes, où il apprendra le métier aux côtés du respecté Martin Francis. Ce dernier lui enseignera les principes fondamentaux du design et l’importance des déjeuners quotidiens au bureau. Histoire de discuter travail et se détendre.
L’ascension
Si aujourd’hui, de voyage en voyage, l’architecte n’a pas forcément le temps de déjeuner avec ses collaborateurs, il met en avant la bonne ambiance au bureau. L’équipe est pour le moins étonnante : designers, architectes, génie mécanique, un ancien capitaine, un ex-officier de paquebot. Dans l’immense open space de son nouveau bureau monégasque on entend parler français, anglais, italien, américain, sud-africain, brésilien, norvégien… Comment a-t-il recruté ses quatorze collaborateurs ? Et son bras droit Pierre Perben, affectueusement baptisé Harry Potter « à cause des lunettes », comment l’a-t-il sélectionné ? « Il faut que les candidats soient non-fumeurs ». Et sérieusement ? « J’ai besoin de savoir si la personne s’intégrera bien dans l’équipe. Parce que quand on est dans le pétrin, la synergie est primordiale ».
La résistance
Le pétrin veut dire essuyer les annulations, gérer les retards de paiement ou encore passer une année sans aucun nouveau projet abouti, comme en 2009. Au point culminant de la crise, le bureau a fait face. En voilà qu’à Noël denier, une nouvelle commande est arrivée. Et pas n’importe laquelle : Espen et son équipe planchent actuellement sur un yacht de 140 mètres. Comme d’habitude, Oeino a esquissé le projet à la main. L’équipe a pris le relais. « Je commence toujours par la création d’une organisation de l’espace. Ce que vous, les journalistes, appelez « la ligne » apparaît pratiquement à la fin. Je commence par les ponts, en parallèle avec la coupe longitudinale. C’est rare qu’on fasse une recherche de style. C’est pourquoi j’estime qu’il n’y a pas de style Espen Oeino ». Il est vrai que tous les projets signés de la main de l’architecte sont à part. Oeino soigne d’ailleurs cette réputation. Son ascension commence avec l’incroyable Skat, sa fierté. « Je l’ai dessiné il y a plus de dix ans et il paraît toujours aussi moderne. Ce bateau ne laisse pas indifférent. On aime ou on n’aime pas… C’est pour cela qu’il a créé la polémique, un peu comme Enigma, ex-Eco. Et puis, j’aime beaucoup Silver… Parce qu’il est différent ».
La sagesse
Espen Oeino ne dit jamais rien en l’air. Comme ses yachts, tout est soigneusement réfléchi, pesé. C’est la raison pour laquelle il se refuse au design intérieur : « Je n’ai pas le feeling ». Les voiliers ? « Je ne suis pas dans le coup ». Les sous-marins alors ? « C’est quelque chose de sérieux qui demande d’avoir un équipage formé. Souvent, le programme du bateau ne le permet pas. Ce n’est pas un jouet qu’on pousse sur l’eau ». En revanche, Espen Oeino apprend à piloter l’hélicoptère et s’essaie aux produits dérivés. Comme cette montre chronographe, concoctée pour la maison suisse Scalfaro. « Au moment de la crise, il faut se diversifier. Je suis en train de réfléchir à d’autres produits dérivés, boutons de manchette, mobilier ». L’architecte est tout aussi raisonnable en ce qui concerne l’acquisition éventuelle d’un yacht. « J’aimerais un yacht de type expédition. Je ne suis pas pour raisonner en termes de longueur; c’est le projet qui compte. Mais je pense que les bateaux de plus de soixante mètres accèdent difficilement au port ». Et s’il devait choisir un autre métier ? Oeino opterait pour guide de montagne.
La reconnaissance
Depuis la baie vitrée de son spacieux bureau, minutieusement rangé, Espen Oeino contemple les majestueux géants d’acier au port Hercule de Monaco, en partie signés de sa main. Un autre souvenir, celui des docks industriels de la maison familiale à l’ile Stord, lui revient peut-être. Ou alors rêve-t-il du ski alpin, son autre passion ? Pour être le meilleur, Espen Oeino est resté simple. Sa poignée chaleureuse, son naturel accueillant et rieur, son regard, aussi bleu que les fjords, sont authentiques. Son talent aussi. Celui-là même qui lui fait côtoyer les cimes.
Tags sur NauticNews.com : Espen Oeino – Mega Yachts
– KL –
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